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ABY

bien malhonnête homme pour abuser de la femme de son ami, pour abuser de la fille de son hôte. Etoit-il juste d’emprunter mon nom & ma ressemblance, pour abuser de ma maîtresse. Ablanc. On s’en sert aussi dans un cas encore plus odieux. On dit que Néron avoit abusé plusieurs fois de Britannicus. Ablanc.

Abuser, avec le pronom personnel. S’abuser, se tromper. Decipi : il s’est abusé.

ABUSEUR. s. m. Qui abuse, qui séduit, qui trompe, trompeur. Deceptor, veterator. Mahomet a été un grand abuseur de peuples. Ce terme ne peut être employé que dans le discours familier.

ABUSIF, IVE. adj. Où il y a de l’abus. Abusivus, Errori obnoxius. On le dit particulièrement des entreprises, procédures & jugemens des Ecclésiastiques où il y a abus, c’est-à-dire, infraction des Canons ou des ordonnances. Une union de bénéfice sans cause véritable & importante est abusive. Un jugement d’Official contre un laïque, & pour cause profane, est abusif. En termes de Grammaire, prendre un mot dans un sens abusif, c’est le placer mal ; c’est en faire une mauvaise application ; c’est le prendre improprement, impropriè, contra usum & loquendi consuetudinem, abusivè.

ABUSION. s. f. Vieux mot. Abus, erreur, fausse démarche, mauvaise conduite. Abusus, error, allucinatio.

ABUSIVEMENT. adv. d’une manière abusive. Abusivè, per abusum. La Cour, en infirmant les sentences des juges de l’Eglise, prononce : Mal, nullement, & abusivement jugé. Il y a plusieurs mots de la langue qu’on prend quelquefois abusivement, qu’on dit improprement.

ABUTER. v. n. Terme de joueur de quilles. C’est tirer à qui jouera le premier, en jetant chacun une quille vers la boule, en sorte que celui dont la quille est la plus proche de la boule, ait l’avantage de jouer le premier. Sortiri, experiri quis prior ludat. On abute avant que de jouer aux quilles. On a abuté, & je suis le premier. On abute de même au jeu de palets & autres.

Ce mot est formé de la préposition Françoise à, qui, dans la composition, se met souvent pour la préposition Latine ad, & a sa signification, & du mot François but, tirer au but.

ABUTILLON, s. m. ou guimauve de Théophraste, s. f. Abutilon. Plante annuelle qui s’éleve depuis deux pieds jusqu’à cinq. Ses tiges sont droites, rondes, revêtues de duvet, branchues & garnies de feuilles drapées, blanchâtres, taillées en forme de cœur, semblables, par leur figure, à celle du tilleul ; mais bien plus grandes, & portées sur des pédicules qui ont quelquefois plus de demi-pied de longueur. Ses fleurs sont semblables à celles de la guimauve ordinaire, mais elles sont jaunes. Son fruit est une tête aplatie ordinairement par-dessus, cannelée & composée de plusieurs graines membraneuses, assemblées autour d’un poinçon. Chaque graine, en s’entr’ouvrant, laisse tomber des semences taillées en forme de rein. Ces semences sont adoucissantes, & recommandées pour la gravelle. L’écorce des tiges sert aux Îles de l’Amérique pour faire des cordages.

ABY.

ABYDE, ou ABYDOS. Abydus & Abydon. Ville maritime de Phrygie, vis-à-vis de Sestos, dont elle n’est éloignée que de sept stades ; c’est-à dire d’environ une bonne demi-lieue. Si l’on en croit Virgile, on y pêchoit des huîtres. I. Georg. V. 207. C’étoit la patrie de Léandre. Les habitans d’Abydos étoient mous & efféminés. On disoit proverbialement : Ne touchez pas sans précaution à Abydos, pour signifier, qu’il faut éviter la compagnie des gens débauchés.

On disoit encore en proverbe, un banquet d’Abyde ; pour marquer un festin fâcheux ; parce que c’étoit une coutume parmi les habitans d’Abydos de porter leurs enfans autour de la table, quand ils faisoient un festin, afin qu’on les baisât. Abydos a eu un Evêque suffragant de l’Archevêque de Lampsaque. Abydos & Sestos sont aujourd’hui ce que nous appelons les Dardanelles dans le détroit de Gallipoli. On l’appelle encore aujourd’hui Avido & Aveo. Mais M. Wéler assure qu’on ne voit point de marque d’antiquité près de ce château, & que les ruines d’Abyde se trouvent à une lieue de- du côté du nord, où est effectivement l’endroit le plus resserré du détroit ; & il juge, avec quelques Auteurs, que le vieux château de Natolie est bâti sur les ruines de l’ancien Dardanum, ou Dardana, d’où est venu le nom de Dardanelles que porte ce château, conjointement avec celui de Romanie, qui lui répond. Maty & M. Corneille, disent Abydos & Abyde ; d’autres disent seulement Abydos. Xerxès fit un pont sur l’Hellespont qui joignoit Abydos & Sestos.

Autrefois du Persan l’étonnant appareil,
Sur les eaux d’Hellespont fit un chemin pareil,
Joignit Abyde à Sest, & l’Europe à l’Asie. Breb.

Il y avoit encore une ville de ce nom en Egypte.

Aujourd’hui Abydos est un des châteaux des Dardanelles, dont l’entrée est toujours interdite aux Chrétiens & à toutes sortes de personnes, une heure avant que le soleil se couche, & durant la nuit. La porte de ce château est entre le levant & le septentrion. Son plan est carré : il y a dans le milieu une grosse tour faite en manière de donjon. Les fossés qui l’environnent, sont tellement comblés en certains endroits, qu’on peut dire qu’il n’y en a plus vers le couchant ; le marais que fait le fleuve Simoïs à son embouchure, pourroit lui en servir, s’il y avoit plus d’eau, mais nous y étions à pied-sec. Duloir. Voyag. de Lev. p. 209. 210. Abydos est plus fort que Sestos, étant bâti au bord d’une plaine d’une grande étendue, qui rend sa situation bien plus avantageuse & plus forte ; les grands vaisseaux y peuvent aborder des deux côtés, & y demeurer à l’ancre, ce qu’ils ne peuvent pas faire à Sestos. Le paysage en est aussi bien plus beau ; mais le séjour y est mal sain. Id. p. 211.

ABYLA. Abyla, æ. Nom de montagne & de ville. Abyla étoit dans le détroit de Gibraltar sur la côte de Mauritanie. C’étoit une des colonnes d’Hercule, & Calpe l’autre, sur la côte d’Espagne. Quelques-uns ont cru qu’Abyla ville, étoit Alcudia, & qu’Abyla montagne, étoit celle que les Espagnols nomment aujourd’hui Sierra de la Ximera. D’autres plus vraisemblablement veulent qu’Abyla ville, soit Ceuta, Septa, évêché dépendant de l’Archevêque d’Évora, & que la Montagne de même nom soit une haute montagne proche de Ceuta, que nos François appellent le mont des singes, & les Hollandois Scheminckelberg.

ABYLA, est aussi le nom d’une ville de la Cœlésyrie, qui donnoit son nom à une petite contrée dont elle étoit capitale. Cette ville étoit au pied du mont Liban, du côté du septentrion. Elle s’appeloit aussi Abyla de Lysanias. La contrée d’Abyla étoit enfermée de l’Antiliban au couchant & au midi, du fleuve Abana du côté de l’orient, & elle avoit au nord la Chalcide. Cette contrée s’appeloit Abylène, ou Abiline, ou Abilène. Il en est parlé en S. Luc, c. 3. v. i. où il est dit que Lysanias étoit Tétrarque de la contrée d’Abyla, ainsi qu’a traduit le P. Bouhours. Monsieur Simon a mis le pays d’Abyla. Le Port-Royal a mis Abylène. Le P. Lubin prétend que la ville d’Abyla étoit celle qui s’appelle aujourd’hui Betines ou Bellines.

ABYLÈNE. Contrée de Syrie. Abylina, Abylena. Elle étoit près de la Trachonitide & de la Pérée. Vers l’an quinzième de l’empire de Tibère, trentième de Jesus-Christ, elle avoit titre de Tétrarchie. Lysanias en étoit Tétrarque. Luc. III. i. Joseph. Antiq. Jud. L. XX. c. 18. Après la mort de Lysanias, elle fut attribuée à la Syrie. L’an 52. de J. C. l’empereur Claude la donna à Agrippa II. & Néron la lui confirma. Joseph. Bello Jud. II. c. XII. §. 8. XIII. §. 2. Elle tiroit son nom d’Abyla, ville de son territoire. Quelques-uns l’appellent la contrée d’Abyla. Voyez Abyla.

L’Abylène étoit une région de la Cœlésyrie, & avoit l’Antiliban au midi & au couchant, la Chal-

cide