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nous-mêmes, est la mesure & la règle de celui que nous devons avoir pour notre prochain. S’aimer soi-même, c’est désirer son bien, craindre son mal, rechercher son bonheur. L’amour du prochain nous impose les même devoirs par rapport aux autres. C’est de tous les sentimens le plus juste, & en même temps celui qui tourne le plus à notre profit.

☞ Non-seulement la proximité est une source d’amitié ; mais encore nos affections varient selon le degré de la proximité que nous avons avec les personnes qui en sont l’objet. La qualité d’hommes que nous portons, fait cette bienveillance générale que nous appelons humanité. Homo sum, humani à me nihil alienum puto. Il est certain que, s’il n’y avoit que deux personnes au monde, elles s’aimeroient avec tendresse : mais cette proximité générale se confondant avec ce nombre infini de relations différentes que nous avons les uns avec les autres, il arrive aussi que cette affection naturelle qu’elle avoit fait naître, se perde dans la foule des passions que tant d’autres objets produisent dans notre cœur. Nous ne voyons point dans notre prochain la qualité d’homme par laquelle il nous ressemble, pendant que nous voyons en lui un rival, un envieux, un homme ennemi de notre prospérité, comme nous le sommes de la sienne ; un orgueilleux qui n’estime que lui-même, un homme qui par ses bonnes qualités attire l’estime & l’attention des autres, & nous jette dans l’oubli & dans l’obscurité, ou qui par ses passions est occupé à nous tendre des pièges, & à entreprendre sur ce qui nous appartient. Mais quand la mort l’a dépouillé de ces relations odieuses, nous trouvons en lui cette proximité générale qui nous le faisoit aimer, nous souvenant qu’il étoit homme, seulement quand il a cessé de l’être.

☞ La proximité de la nation s’affoiblit dans le même pays par le nombre de ceux qui la partagent ; mais elle se fait sentir quand deux ou trois personnes originaires d’un même pays se rencontrent dans un climat étranger. Alors l’amour de nous-mêmes, qui a besoin d’appui & de consolation, & qui en trouve dans ceux qu’un pareil intérêt & une semblable proximité doit mettre dans la même disposition, ne manque jamais de faire une attention perpétuelle à cette proximité, si un fort motif pris de son intérêt ne l’en empêche. Voyez Amitié, Reconnoissance, Intérêt. Abad.

☞ A l’égard du prochain, ce seroit assez pour nous mouvoir, que l’équité naturelle ; mais nous croyons être quitte des devoirs de l’équité, quand nous ne faisons point de mal. Sur ce principe, le prochain seroit mal secouru.

☞ Cette grande règle de traiter les autres comme nous voudrions en être traités nous-mêmes, est la règle de tous les hommes : il ne faut pour cela qu’un esprit de justice. Notre intérêt d’ailleurs y est attaché.

Amour. On dit en parlant des animaux, qu’ils sont en amour ; pour dire, qu’ils sont en chaleur. Une biche, une chienne en amour.

☞ En Fauconnerie, on dit voler d’amour, en parlant des oiseaux qu’on laisse voler en liberté, afin qu’ils soutiennent les chiens.

Dans les arts libéraux, travailler un ouvrage avec soin, le rechercher, le finir, c’est ce qu’on appelle peindre, dessiner, graver avec amour. Félibien a dit, en parlant des portraits : non-seulement il faut les dessiner savamment, mais les peindre avec beaucoup de soin & d’amour. On dit aussi peindre en amour.

☞ On dit encore qu’une toile a de l’amour, pour dire, qu’elle a un petit duvet qui la rend propre à recevoir la colle & à s’attacher fortement à la couleur.

Amour, en Mythologie, se prend encore pour la Divinité fabuleuse des Païens, qu’ils s’imaginoient présider à l’amour. Ils disoient que l’amour exerçoit son empire sur tout le monde, & qu’il inspiroit aux deux sexes une inclination mutuelle. C’étoit l’ame de la nature par qui tout agit, tout respire, tout se renouvelle & se perpétue. On a travesti l’amour en Dieu pour excuser le vice. Port-R. L’Amour est tout nu. Les flambeaux de l’Amour, les flèches de l’Amour, le bandeau de l’Amour. L’Amour est aveugle. On représente l’Amour comme un enfant, parce qu’il n’est jamais sage, & qu’au contraire il est toujours badin & indiscret. S. Evr. On lui donnoit plusieurs freres, & c’est en ce sens qu’on dit, pour désigner tous les petits agrémens qui naissent de la beauté, les jeux, les ris, les amours, & les grâces. Gratiæ, veneres, lepores. Venus est la mère des Amours. Les amours ne se pressent plus guère autour d’elle, & je ne voudrois point essuyer la honte de porter les derniers encens sur un autel qui tombe en ruine. Le Ch. d’H. Je veux des grâces qui rient, & des amours qui folâtrent. Id.

Poire d’Amour. Espèce de poire qui se nomme autrement poire de livre. Voyez Livre.

Pomme d’Amour. C’est le fruit d’une espèce de morelle ; les feuilles de la plante qui le porte, sont grandes & découpées en plusieurs segmens & d’un vert pâle. Sa tige se divise en plusieurs branches qui poussent d’entre les feuilles des fleurs monopétales au nombre de dix à douze ensemble, jaunes & découpées en cinq parties. A ces fleurs succède un fruit gros comme une cerise, vert au commencement, & jaune lorsqu’il est mûr, qui renferme dans une pulpe succulente plusieurs semences aplaties, blanchâtres.

Freres de l’Amour. Une secte de fanatiques née en Hollande vers l’an 1590, prit le nom de Freres de l’Amour. Elle passa vers le même temps en Angleterre, où Henri Nicolas de Liége fit paroître plusieurs livres pleins de rêveries & des blasphèmes de sa secte. Entre autres l’Evangile du Royaume, les Sentences Dominicales, la Prophétie de l’esprit d’amour, la Publication de la paix sur la terre.

Amour, ou Amur. Grande rivière de Tartarie, en Asie. Amura. Elle a sa source dans la Province de Dauria, près du lac Baycal, sous le 117 degré de longitude. Elle sépare cette province du pays des Mongous, & après un long cours peu connu jusqu’ici, se jette dans l’Océan oriental sous le 55 degré de latitude, & le 152. de longitude. Le P. d’Avril, Jésuite, l’appelle Yamour dans ses Voyages. Le P. Gaubil & M. de Lisle l’appellent Amour. D’autres écrivent Amoër. Il faut prononcer en notre langue Amour. Le P. Gaubil, dans ses Observations publiées en 1629, à Paris, par le P. E. Souciet, Jésuite, dit qu’elle se nomme aussi Onon. Selon cet habile Missionnaire, la source de l’Onon est à 107°, 1′, 30″ du méridien de Paris, c’est-à-dire, à 127°, 1′, 30″ de longitude, en supposant Paris au 20e degré de longitude, & elle a 45°, 25′ de latitude. Et ce fleuve se jette dans un lac au 134°, 41′, 30″ de longitude, & à 48°, 50′ de latitude. Samson appelle ce fleuve Ghamas. Voyez les Cartes de M. Witsen & de M. de Lisle.

AMOURACHER. Qui ne se dit qu’avec le pronom personnel, & en mauvaise part, de ceux qui s’engagent en de folles amours. Insano alicujus amore capi. Cette femme s’est amourachée de son valet. Il n’est guère que du style familier.

AMOURACHÉ, ÉE. part.

☞ AMOURETTE. s. f. Diminutif. Amour de pur amusement, & d’ordinaire sans une forte passion. Amatio. Cet homme a toujours quelque amourette. Se marier par amourette, c’est se marier par amour. Ce qui se dit ordinairement en mauvaise part, en parlant d’un mariage inégal & qui n’est pas approuvé.

Dans les cuisines on appelle amourettes la moelle qui se trouve dans les reins du veau ou du mouton.

AMOUREUSEMENT. adv. D’une manière amoureuse. Amanter. Cet amant regardoit amoureusement sa maitresse. Et en matière de piété, & en parlant d’un amour saint, il regardoit amoureusement son crucifix, & le baignoit de ses larmes.

AMOUREUX, EUSE. adj. m. & f. qui a de la passion pour quelque personne. Amator, amatrix. Les tendres sentimens naissent en foule dans un homme amoureux. Les airs passionnés paroissent avec ménagement dans les manières d’un amant. M. l’Abbé Girard. Syn. Voyez Amant.