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AIN

suive. On dit aussi, qui bien aime, bien châtie. Il n’est pas dégoûté, il aime mieux deux œufs qu’une prune ; pour dire, il préfére un grand avantage à un moindre. On dit aussi burlesquement, il l’aime comme ses petits boyaux, comme la prunelle de ses yeux. Cette dernière expression est prise apparemment de l’Ecriture, qui dit conserver comme la prunelle de l’œil ; pour dire, conserver avec beaucoup de soin & d’affection. Deut. XXXII, 10. Psalm. XVI, 10, & ailleurs. On dit encore, j’aime mieux un tien, que deux tu l’auras ; pour dire, je préfére une chose médiocre, mais présente & assurée, à une plus considérable, qui sera incertaine, & à venir. Louis XIII étant pressé par des Députés des Huguenots de leur conserver plusieurs grands privilèges, à l’exemple des Rois ses prédécesseurs, leur répondit : Henri III vous craignoit ; le Roi mon pere vous aimoit ; & moi je ne vous crains, ni ne vous aime. Bons mots.

AIMÉ, ÉE. part. Amatus. C’est mon fils bien aimé, dit l’Ecriture : une longue absence affoiblit peu-à-peu l’idée de l’objet aimé, & l’efface enfin du cœur. M. Scud.

AIMÉ. Nom propre, Voyez Amé.

Aimée, s. f. & nom de femme. Amatalis. Ce nom n’est ni grec, ni latin, comme on le pourroit soupçonner d’abord ; il est syriac. En syriac amna signifie mere, comme abba signifie pere, & Talis est un nom propre ; de sorte que Amna, ou Ama Talis est la même chose que la Mere, ou l’Abbesse Talis. Dans le Pallade grec de Meursius, imprimé en 1616, cette Sainte est nommée tout en un mot Amatalis, au génitif Amatalidos ; & dans la Traduction du Paradis d’Héraclite que Rosweide Jésuite a fait imprimer à la fin des vies des Peres, elle est nommée simplement Amata, & c’est de cette seule manière que l’ont nommée Vincent de Beauvais, les Chartreux de Cologne en leurs Additions à Usuard, le Martyrologe germanique, Raderus dans un Catalogue des Saints écrit de sa main, Guillaume Gazée au Calendrier des Saintes jointes à son Ciméliarque, Sadder en ses gravûres, & Ferrarius en son Catalogue des Saints qui ne sont point au Martyrologe Romain. D’Amata. Il a été naturelle de faire Aimée, comme si ç’avoit été un nom propre qu’on eût fait du participe passif du verbe amo, j’aime. Aussi cette Sainte est-elle appelée Aimée en quelques Calendriers François ; ce qui ne doit point paroître extraordinaire, puisque depuis plusieurs siècles, non-seulement en Occident, mais même en Orient, on dit Amata, pour Amatalis. De même l’incorporation d’Amna avec Talis ne doit pas paroître plus extraordinaire que celle d’Abba avec Cyrus, dans le mot Abbacyrus, d’où les Cophtes ont fait Saint Abacher, & les Italiens Appassara, pour Abba Cyre. Chast. 5 Janv. Pallade rapporte, ch. 137, qu’à Antinoé il alla voir Sainte Aimée, ou Amatalide, Religieuse depuis 80 ans. M. Chastelain semble douter si le nom d’Aimée qu’on donne souvent au baptême, est celui de cette Sainte, ou Esmée, Emée, en l’honneur de Saint Esdme, ou Elme : mais ce dernier sentiment ne paroît point douteux : on ne connoît point Sainte Amatalide en France, où S. Edme au contraire est fort connu.

AIMORAGIE. s. f. Prononcez émoragie. Terme de Médecine, qui vient du grec ἀμορραγια, & qui signifie Ecoulement de sang. Sanguinis emissio. Provoquer une aimoragie. Si l’on suit l’étimologie, il faut écrire Hæmorrhagie. Il vaut mieux écrire avec l’Académie Hémorragie. Voyez ce mot.

☞ AIMORRONS. s. m. Serpent qu’on trouve en Afrique. L’effet de sa morsure est de faire sortir le sang tout pur des poumons.

AIN.

AIN. s. m. rivière de France. Ens, Indus, Indis, Idanus, Danus. Elle sort du mont Jura, dans le bailliage de Salins, en Franche-Comté : sortant de la Franche-Comté, elle entre dans la Bresse, qu’elle traverse, pour s’aller jeter dans le Rhône au-dessus de Lyon.

Ain. Sorte d’interjection interrogative, commune aux petites gens, & fort incivile parmi des personnes polies. Ce mot veut dire, Plaît-il ; Que voulez-vous ? Qu’en dites-vous ?

Ain. s. m. Vieux mot. Hameçon. Hamus.

Ain. Terme de Grammaire hébraïque & Arabe. C’est le nom d’une lettre, qui est une aspiration passée par le nez. Toutes les langues orientales ont le ain. Les Arabes en ont deux, dont l’un est beaucoup plus fort que l’autre. Ils marquent celui qui est fort & âpre d’un point par-dessus. Peut-être que les anciens Hébreux en avoient aussi deux, & que c’est pour cela que les Septante ont rendu cette lettre de deux manières différentes, tantôt sans aspiration, comme dans עדן, qu’ils expriment Ἐδὲν, Eden ; & tantôt par un Γ, c’est-à dire, un G ; comme dans עמורה qu’ils traduisent Γόμορρα ; Gomorrha, Gomorrhe. Nous n’avons point cette lettre dans nos langues d’Europe ; & nous ne saurions presque en bien attraper la prononciation. Quelques Grammairiens l’expliquent par ng, d’autres par gn.

Ce n’est point cela. C’est, comme je l’ai dit, une aspiration passée par le nez.

AÏN. Voyez Aën.

☞ AINADEKI. Petite ville de la haute Hongrie, dans le Comté de Sag, entre les villes de Filleck & de Gomer, à deux lieues de la première. Ainadejum.

☞ AINAI, AISNAY, ou AINAY. Atanacum, ou Ainacum. Lieu ou célébre Abbaye de France, faisant aujourd’hui partie de la ville de Lyon, au confluent du Rhône & de la Saône. L’Abbaye fut sécularisée en 1684.

AINC. Vieux adverbe, qui veut dire Jamais. Ce mot est formé d’unquam.

 
Après Lot Juitekins qui ainc n’ama François,
C’il fut fils justament, mout fut de grand bufois.

R. De Bertain
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AIN-CHAREM, & non pas AIN-CHARIN. Petit village de la Judée, à deux bonnes lieues de Jérusalem, & à une lieue de ce qu’on appelle le Désert de S. Jean. On le montre aux voyageurs comme la demeure de S. Zacharie & de Sainte Elisabeth ; quelques-uns ajoutent même que c’étoit une des six villes Sacerdotales de la Tribu de Juda ; mais tout cela est fort incertain. Bruyn met la ville de Sainte Elisabeth après le Bourg de S. Jean, sur le chemin de Jérusalem à Bethléem par le désert. Ce nom est composé de deux mots, Ain, & Charem. Le premier mot en hébreu & en arabe signifie Fontaine. Ceux qui l’écrivent par deux AA, aain, comme si dans les langues originales, d’où il est tiré, il commençoit par la même lettre doublée, ou répétée, l’écrivent mal. L’une est un ain consonne gutturale nasale, & l’une des radicales de ce nom, qui ne répond point à notre a, & ne peut s’exprimer par aucun caractère des langues d’Occident ; & l’autre n’est qu’un point voyelle, qui répond à notre a. L’autre mot, que le P. Nau, dans son Voyage de la Terre-Sainte, écrit Karem, mais qu’il vaut mieux écrire Charem, parce qu’en Arabe c’est Chef qu’il est bon de distinguer du Kaf, que nous exprimerons toujours par un K, & qu’il faut bien se donner de garde d’écrire Charin, comme M. Corneille, que des voyageurs mal habiles ont trompé ; ce mot, dis-je, vient de l’arabe Charama, & signifie Libéral, magnifique. De sorte que Ain-Charem signifie, la fontaine libérale ; c’est-à-dire, abondante, copieuse, qui jette beaucoup d’eau ; & en effet, à un bon jet de pierre de ce lieu, l’on rencontre une belle fontaine, abondante en eau, qui va se répandre dans la vallée voisine, qui n’en est séparée que par le chemin. Elle l’arrose, & donne moyen aux habitans du village voisin d’y faire des jardins, & d’y semer des légumes, des melons, des pastègues, des concombres, &c. comme on peut voir dans le Voyage du P. Nau, p. 474. Ce Pere, & les autres voyageurs prétendent que c’est la fontaine de Nephtoa, dont il est souvent parlé dans l’Ecriture. Je ne suis pas de ce sentiment ; je pourrai m’en expliquer au mot Nephtoa.

AINÇOIS. Vieux adv. Volontiers, avant, auparavant, aussi-tôt.