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LVII



Se j’ay le cuer dolent je n’en puis mais,
Car mon ami s’en vait en Angleterre,
Ne je ne sçay quant le reverray mais
Le bel et bon qui mon cuer tient en serre ;
Car entre luy et moy ara grant barre ;
Mais jamais jour joye ne bien n’aray,
Jusques a tant que je le reverray.

Et quant je pense a ses gracieux fais
Doulz et plaisans, trop fort le cuer me serre ;
Et comment pour morir, certes, jamais
Ne me courçast, et ou pourroye querre
Nul plus plaisant ? or vueil je Dieu requerre
Qu’il le convoit ; mais dolente seray,[1]
Jusques a tant que je le reverray.

Or est mon cuer chargié de pesant fais,
Dont plains et plours me feront dure guerre ;
Et en lui seul seront tous mes regrais,
Car je l’aim plus que riens qui soit sus terre.
Si convendra que le renvoye querre,
Ou a douleur et meschief languiray,
Jusques a tant que je le reverray.

  1. Note Wikisource : voir un erratum en p. 319.