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LES ANCIENS CANADIENS.

CHAPITRE DIX-SEPTIÈME.


(a) L’auteur a souvent entendu, pendant sa jeunesse, cinquante ans même après la conquête, répéter ces touchantes paroles par les vieillards, et surtout par les vieilles femmes.

(b) Un officier distingué de la cité du Détroit, ci-devant comprise dans les limites du Haut-Canada, le colonel Caldwell, qui avait fait les guerres de 1775 et de 1812 contre les Américains avec les alliés sauvages de l’Angleterre, racontait cette aventure assez extraordinaire. L’auteur ayant demandé à plusieurs des parents et des amis du colonel quelle foi on devait ajouter a cette anecdote, tous s’accordaient à rendre témoignage à la véracité du colonel, mais ajoutaient qu’ayant fait longtemps la guerre avec les sauvages, il était imbu de leurs superstitions.

Le colonel Caldwell, qui a laissé une nombreuse postérité dans le Haut-Canada, avait épousé une des filles de l’Honorable Jacques Dupéron Baby, tante de la femme de l’auteur.

(c) Autrefois le vin ne s’apportait sur la table ordinairement qu’au dessert ; les domestiques, employés pendant les services des viandes, faisaient alors l’office d’échansons.

(d) Cette malheureuse savane faisait autrefois le désespoir des voyageurs, non-seulement l’automne et le printemps, mais aussi pendant les années de sécheresse, car la tourbe s’enflammait alors souvent par l’imprévoyance des fumeurs et flambait pendant des mois entiers. Chacun se plaignait, jurait, tempêtait contre la maudite savane, toutefois il faut dire que si elle avait beaucoup d’ennemis, elle avait aussi de chauds partisans. José (sobriquet donné aux cultivateurs) tenait à sa savane par des liens bien chers : son défunt père y avait brisé un harnais, son défunt grand-père y avait laissé les deux roues de son cabrouet et s’était éreinté à la peine ; enfin son oncle Baptiste avait pensé y brûler vif avec sa guevalle. Aussi le grand-voyer, M. Destimauville, rencontra-t-il beaucoup d’opposition, lorsqu’il s’occupa sérieusement de faire disparaître cette nuisance publique. Il ne s’agissait pourtant que de tracer un nouveau chemin à quelques arpents pour avoir une des meilleures voies de la Côte-du-Sud. Tous les avocats du barreau de Québec, heureusement peu nombreux alors, (car il est probable que le procès ne serait pas encore terminé), furent employés pour plaider pour ou contre l’aimable savane ; mais comme un des juges avait, un jour, pensé s’y rompre le cou, le bon sens l’emporta sur les arguties des hommes de loi et le procès-verbal du grand-voyer fut maintenu. Les voyageurs s’en réjouissent ; la savane défrichée produit d’excellentes récoltes, mais il ne reste plus rien, hélas ! pour défrayer les veillées, si ce n’est les anciennes avaries arrivées, il y a quelque cinquante ans, dans cet endroit.