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UNE NUIT AVEC LES SAUVAGES.

grains de sable dans ma main, dit Dumais en jetant une poignée de sable devant lui. Le petit peuple de sauvages était le plus souvent vaincu par les ennemis aussi nombreux que les étoiles dans une belle nuit ; les rivières coulaient des eaux de sang, mais il ne songeait pas à enfouir la hache du guerrier. La guerre durerait encore sans un traître qui avertit des soldats anglais que neuf grands chefs écossais, réunis dans une caverne pour y boire de l’eau-de-feu, s’y étaient endormis comme notre frère Talamousse.

— Les peaux-rouges, dit la Grand’-Loutre, ne sont jamais traîtres à leur nation : ils trompent leurs ennemis, jamais leurs amis. Mon frère veut-il me dire pourquoi il y a des traîtres parmi les visages-pâles ?

Dumais assez embarrassé de répondre à cette question faite à brûle-pourpoint, continua comme s’il n’eût rien entendu :

— Les neuf chefs, surpris loin de leurs armes, furent conduits dans une grande ville, et tous condamnés à être pendus avant la fin d’une lune. À cette triste nouvelle, on alluma des feux de nuit sur toutes les montagnes d’Écosse pour convoquer un grand conseil de tous les guerriers de la nation. Les hommes sages dirent de belles paroles pendant trois jours et trois nuits ; et cependant on ne décida rien. On fit la médecine, et un grand sorcier déclara que le mitsimanitou (h) était irrité contre ses enfants, et qu’il fallait enfouir la hache pour toujours. Vingt guerriers peints en noir se rendirent dans la grande ville des Anglais, et avant d’y entrer poussèrent autant de cris de mort qu’il y avait de chefs captifs. On tint un grand conseil ; et l’Ononthio des Anglais leur accorda la paix à condition qu’ils donneraient des otages,