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LES ANCIENS CANADIENS.

flammes : on aurait dit que l’ancienne ardeur militaire de sa race se manifestait en lui subitement. L’enthousiasme devint général, et le cri de « vive le roi » s’échappa simultanément de toutes les poitrines. Quelques larmes roulèrent dans les yeux de la mère, de la sœur et de la tante, malgré leurs efforts pour les contenir.

La conversation, qui avait d’abord langui, se ranima tout à coup. On fit des plans de campagne, on battit les Anglais sur mer et sur terre, et l’on éleva le Canada au plus haut degré de gloire et de prospérité !

— Feu partout, s’écria le capitaine d’Haberville en se versant une rasade, car je vais porter une santé que tout le monde boira avec bonheur : « au succès de nos armes ! et puisse le glorieux pavillon fleurdelysé flotter jusqu’à la fin des siècles sur toutes les citadelles de la Nouvelle-France ! »

À peine portait-on la coupe aux lèvres pour faire honneur à cette santé, qu’une détonation épouvantable se fit entendre : c’était comme l’éclat de la foudre, ou comme si une masse énorme eût tombée sur le manoir, qui en fut ébranlé jusque dans ses fondements. On se leva précipitamment de table, on courut dehors : le soleil le plus brillant éclairait un des plus beaux jours du mois de juillet ; on monta au grenier, mais rien n’indiquait qu’un corps pesant fût tombé sur l’édifice (a). Tout le monde demeura frappé de stupeur, monsieur d’Haberville surtout parut le plus impressionné. Serait-ce, dit-il, la décadence de ma maison que ce phénomène me prédit !

Monsieur d’Egmont, l’abbé et mon oncle Raoul, l’homme lettré de la famille, s’efforcèrent d’expliquer physiquement les causes de ce phénomène, sans