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NOTES DU CHAPITRE DIXIÈME.

cain, penché à son tour sur lui, allait redoubler le coup, quand un sauvage, embusqué à une cinquantaine de verges, voyant le danger que courait son ami, lâcha un coup de fusil avec tant de précision que la cervelle du Yankee jaillit sur le visage de la victime qu’il allait immoler.

Chose extraordinaire ! le Capitaine Caldwell guérit assez promptement de sa blessure ; et assista même peu de temps après comme témoin à une cour martiale siégeant à Montréal, autant que je m’en souviens, pour le procès du Général Proctor.

Quand il commença à rendre son témoignage d’une voix faible, le président de la cour lui cria :

Speak louder, parlez plus haut.

Impossible, répliqua Caldwell en montrant son cou encore entouré d’emplâtres : un Américain m’a passé un couteau au travers de la gorge.

J’avoue qu’on aurait pu être enroué à moins.

Caldwell était simplement capitaine dans la milice du Haut-Canada, tandis que les officiers, qui composaient la cour martiale, appartenaient à l’armée régulière, ce qui fut cause, probablement, que sa réponse fut accueillie avec beaucoup d’hilarité par ces messieurs.

Le capitaine Caldwell indigné leur dit :

Je parlais aussi haut qu’aucun de vous, en présence de l’ennemi, avant ma blessure.

Plusieurs officiers, qui avaient servi dans la milice du Haut-Canada, pendant la guerre de 1812, m’ont raconté que les officiers de l’armée régulière les traitaient avec une hauteur impardonnable ; il m’est impossible d’en expliquer la raison, car les miliciens du Bas-Canada n’ont eu qu’à se louer, à cette époque, des égards que leur montraient les officiers de l’armée régulière dans leurs rapports mutuels.


CHAPITRE ONZIÈME.


(a) C’était, je crois, en 1806 : toute la famille était à table chez mon père à Saint-Jean-Port-Joli, vers une heure de relevee, lorsque nous fûmes témoins d’un semblable phénomène. Comme le soleil brillait de son plus bel éclat, la détonation, qui ébranla le manoir jusques dans ses fondements, ne pouvait être, comme nous le pensâmes d’abord, l’effet de la foudre. On aurait pu croire que l’immense farinier, mesurant dix pieds de longueur, qui était dans le grenier, avait été soulevé jusqu’au toit, par le fluide électrique, pour retomber de tout son énorme poids sur le plancher. Je laisse aux physiciens le soin d’expliquer la cause de ce phénomène.

(b) Les grands poètes observent, avec soin, la nature humaine : rien ne leur échappe. En lisant Notre-Dame-de-Paris, cette belle conception de Victor Hugo, je fus particulièrement frappé de la scène si touchante de la recluse, couvrant de larmes et de baisers le petit soulier de l’Esmeralda, car elle m’en rappela une semblable.