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LA SAINT-JEAN-BAPTISTE.

besogne en abordant une île, même en été, serait de mettre leur canot hors de toute atteinte de la marée (b).

Mon oncle Raoul, après avoir longtemps parlé, finit comme tout le monde par se taire.

— Ne trouvez-vous pas, mon cher oncle, dit Blanche, qu’une chanson, pendant cette belle nuit si calme, le long des rives du prince des fleuves, ajouterait beaucoup au charme de notre promenade ?

— Oh ! oui ! une chanson, dirent les jeunes gens.

C’était prendre le chevalier pas son sensible. Il ne se fit pas prier et chanta de sa superbe voix de ténor la chanson suivante qu’il affectionnait singulièrement, comme chasseur redoutable avant sa blessure. Tout en avouant qu’elle péchait contre les règles de la versification, il affirmait que ces défauts étaient rachetés par des images vives d’une grande fraîcheur.

Chanson de mon oncle Raoul.

Me promenant sur le tard,
Le long d’un bois à l’écart,
Chassant bécasse et perdrix
Dans ce bois joli,
Tout à travers les roseaux
J’en visai une ;
Tenant mon fusil bandé
Tout prêt à tirer.

J’entends la voix de mon chien,
Du chasseur le vrai soutien ;
J’avance et je crie tout haut
À travers les roseaux :
D’une voix d’affection
Faisant ma ronde,
J’aperçus en faisant mon tour
Un gibier d’amour.

Je vis une rare beauté
Dedans ce bois écarté,