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LES ANCIENS CANADIENS.

des bonnes âmes, c’est-à-dire qu’il faisait dire une messe, du produit de ce poisson, pour la délivrance des âmes du purgatoire (a). Le crieur annonçant le but de la vente, chacun s’empressait de surenchérir. Rien de plus touchant que cette communion des catholiques, avec ceux de leurs parents et amis que la mort a enlevés, que cette sollicitude qui s’étend jusqu’au monde invisible ! Nos frères des autres cultes versent bien, comme nous, des larmes amères sur le tombeau qui recèle ce qu’ils ont de plus cher au monde, mais là s’arrête les soins de leur tendresse !

Ma mère, quand j’étais enfant, me faisait terminer mes prières par cet appel à la miséricorde divine : « Donnez, ô mon Dieu ! votre saint paradis à mes grand-père et grand-mère ! » Je priais alors pour des parents inconnus et en bien petit nombre ; combien, hélas ! à la fin d’une longue carrière, en aurais-je à ajouter, s’il me fallait énumérer tous les êtres chéris qui ne sont plus !

Il était nuit close depuis quelque temps, lorsque mon oncle Raoul, Blanche, Jules et de Locheill quittèrent le presbytère, où ils avaient soupé. Le cher oncle, qui avait quelque teinture d’astronomie, expliquait à sa nièce qu’il ramenait dans sa voiture, les merveilles de la voûte éthérée : trésors de science astronomique, dont les deux jeunes messieurs ne profitaient guère, au grand dépit du professeur d’astronomie improvisé, qui leur reprochait d’éperonner sournoisement leurs montures, plus raisonnables que les cavaliers. Les jeunes gens tout à leur gaieté, et qui respiraient le bonheur par tous les pores, pendant cette nuit magnifique, au milieu de la forêt,