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LES ANCIENS CANADIENS.

viandes, qu’elles n’ont aucune peine à conserver dans cet état, vu la rigueur de la saison. Arrive-t-il des visites, il ne s’agit alors que de faire réchauffer les comestibles sur leurs poêles toujours chauds à faire rôtir un bœuf pendant cette époque de l’année ; les habitants détestent les viandes froides.

C’est un vrai plaisir, ajouta Jules, de voir nos canadiennes, toujours si gaies, préparer ces repas improvisés : de les voir toujours sur un pied ou sur l’autre tout en fredonnant une chanson, ou se mêlant à la conversation, courir de la table qu’elles dressent à leurs viandes qui menacent de brûler, et, dans un tour de main remédier à tout ; de voir Josephte s’asseoir avec les convives, se lever vingt fois pendant le repas s’il est nécessaire pour les servir, chanter sa chanson, et finir par s’amuser autant que les autres (h).

Tu me diras, sans doute, que ces viandes réchauffées perdent beaucoup de leur acabit ; d’accord, pour nous qui sommes habitués à vivre d’une manière différente ; mais comme l’habitude est une seconde nature, nos habitants n’y regardent pas de si près ; et comme leur goût n’est pas vicié comme le nôtre, je suis certain que leurs repas, arrosés de quelques coups d’eau-de-vie, ne leur laissent rien à envier du côté de la bonne chère. Mais comme nous aurons à revenir sur ce sujet, allons maintenant rejoindre mes parents qui doivent déjà s’impatienter de notre absence, que je considère comme autant de temps dérobé à leur tendresse. J’ai cru te faire plaisir en t’initiant davantage à nos mœurs canadiennes de la campagne, que tu n’as jamais visitée pendant l’hiver.

La veillée se prolongea bien avant dans la nuit : on