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LES SAUVAGES DE SAINT-CASTIN


— III —


Les Abénaquis, sauveurs de l’Acadie. — Au fond, le roi ne comptait que sur les sauvages.

« Le Roy ayant été de nouveau informé, écrivait-il du camp de Mons, de l’affection des Canibats à son service et de tout ce qu’ils ont exécuté contre ceux de la Nouvelle-Angleterre, et voulant en mesme temps maintenir la possession de l’Acadie avec leur secours, en attendant que Sa Majesté exécute la résolution où Elle est de rétablir le Port Royal. » Une autre fois : « Estant très important à la France septentrionale de maintenir sous l’obéissance de Sa Majesté les sauvages de l’Acadie qui font barrière contre les Anglais » 12. Et encore : « Quelque précaution que l’on puisse prendre pour la conservation de l’Acadie… on ne saurait y réussir avec le peu de forces qu’il y a… Tout ce qu’on peut faire est d’envoyer de temps en temps des munitions comme on a fait aux habitants des mines de Beaubassin… comme aussi d’engager les Canibats et Abénaquis… à être toujours en action pour harceler les Anglais et détruire leurs campagnes » 13. « Il est certain qu’il est de grande conséquence de maintenir les Canibats et les autres sauvages dans le service de Sa Majesté » 14.

À vrai dire, Villebon en était responsable. Dans son désir d’obtenir l’emploi de gouverneur, n’avait-il pas été, ainsi que l’écrit Charlevoix (I, 110), jusqu’à se faire fort de tenir tête aux Anglais avec les seuls Abénaquis ? Malgré sa lésinerie à l’égard de l’Acadie, le roi sentait bien que, même si les sauvages consentaient à se battre pour ses beaux yeux et pour des prunes, ils n’y arriveraient pas sans vivres. Mais ils ne devaient pas distraire de la guerre le temps nécessaire à la recherche de leur subsistance. Aussi écrivait-il de Mons :

« Sa Majesté a jugé à propos de leur faire fournir dans les lieux de leur demeure le secours qu’ils luy ont fait demander par le Sr de Villebon, afin de ménager le temps qu’ils employeraient inutilement à l’aller chercher à Québec, estant certain qu’ils consommeraient pendant un si long voyage, la plus grande partie de leurs munitions à faire la chasse pour leur subsistance ».

Il devait être consacré 3 500 livres aux munitions, armes, vivres et ustensiles destinés aux Abénaquis. Le roi pressait l’envoi de secours, dont le retard immobilisait les sauvages. Du reste, on se désintéressa bientôt de ce beau mouvement et les secours n’arrivèrent jamais avec régularité.

Afin d’entraîner les sauvages, le roi-soleil ne reculait même pas devant certains moyens de persuasion que nous appellerions aujourd’hui bourrage de crâne. Frontenac parle quelque part d’un sauvage qui ayant fait le voyage de France « ne peut se lasser d’exagérer tous les