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LA GUERRE DE SAINT-CASTIN

Tout d’abord, à cette occasion, se montrait la haine inassouvie du gouverneur Perrot, qui l’accusait de complaisance envers Sharpe. En même temps, dans sa lettre au ministre, Perrot se trahissait par son indulgence pour Nelson. Sans doute, était-il en relations d’affaires avec ce louche personnage. Mais Perrot sonnait une note juste : sans les secours des Anglais, les Français de l’Acadie seraient morts de faim 5

Saint-Castin se vit forcé de prendre position. Le juge Palmer lui avait envoyé, par l’intermédiaire de Sharpe, une lettre dans laquelle il lui commandait « au nom de Sa Majesté Britannique de ne point empêcher l’enlèvement du reste des vins qui ont été trouvés sur les terres de Pentagouët », puis « de ne pas menacer les sujets du Roy d’Angleterre, entr’autres, ceux qui sont habitués à l’isle de Montinique et qu’on ne le souffrira pas dans les terres angloises s’il songe à estre secondé des sauvages ». Enfin, le juge sommait le baron, de la part de son souverain, d’indiquer les terres de son choix, en foi de quoi, avec magnanimité, « on les lui conférera sous le nom de sadite Majesté Britannique », à condition bien entendu de prêter serment de fidélité au monarque anglais dans Pemquid. Saint-Castin ne fit qu’en rire.

Par ce coup de main, les Anglais ne visaient pas seulement Saint-Castin : ils vengeaient la défaite qu’Iberville venait de leur infliger à la baie d’Hudson.

Saisi de l’affaire, M. de Bonrepaus, ambassadeur de France à Londres, obtint satisfaction et Saint-Castin rentra en possession de ses vins. Bonrepaus négligeait la question essentielle des frontières. Malgré le traité de Bréda, la Nouvelle-Angleterre réclamait toujours la rivière de Pentagoët. L’ambassadeur remit les négociations à plus tard, et, en 1689, la commission mixte des frontières reconnut les droits de la France sur les deux rives du cours d’eau contesté.

Les gens de Boston n’attendirent pas le bon plaisir des diplomates. Furieux, ils rendirent le vin à Saint-Castin (d’autant plus que les Abénaquis se montraient menaçants, prenant fait et cause pour le gendre de leur grand sachem), mais, en guise de vengeance, ils révisèrent eux-mêmes la frontière de façon à englober définitivement l’établissement de Pentagoët « dans le territoire du duc d’York » (Neal, p. 424).