Page:Daviault - Le Baron de Saint-Castin, chef abénaquis, 1939.djvu/67

Cette page a été validée par deux contributeurs.
65
LA GUERRE DE SAINT-CASTIN

eus pour les opposer aux Iroquois et aux Anglois ». Ensuite, la sollicitude de Frontenac, qui harcelait Versailles et nommait des gouverneurs de sa propre autorité, comme Joibert de Soulanges, puis La Vallière. Enfin, la ténacité des colons acadiens. Devenu gouverneur titulaire, en 1683, La Vallière exerça son autorité sur un pays en plein essor. Les vieux établissements se relevaient de leurs ruines. La Vallière mettait en valeur le domaine de Beaubassin, avec l’aide de familles trifluviennes. Pierre Melanson et Pierre Terriau venaient de fonder, à la Grand’Prée des Mines, une colonie immortalisée plus tard par Longfellow. Bergier et sa compagnie des pêches sédentaires exploitaient rationnellement une des plus grandes richesses de l’Acadie. Seule la sécurité due à la présence sur la frontière de Saint-Castin et de ses Abénaquis rendait possibles ces entreprises 2.

À cause de cette prospérité, Versailles, toujours en retard, se préoccupait enfin de sa colonie acadienne. Frontenac, il est vrai, lui rappelait à maintes reprises « la nécessité d’y mettre un gouverneur… et d’empêcher que la colonie qui y reste ne se détruise tout à fait ». Il écrivait encore : « Je suis obligé de vous avertir que les Anglais entreprennent beaucoup, venant pêcher et traiter le long de ces côtes… Il sera difficile de pouvoir les empêcher, et que ceux de Port-Royal ne continuent dans l’inclination qu’ils ont pour eux par la privation où ils seraient de tous les secours de France, et par les assistances qu’ils retirent des Anglais, à moins que Votre Majesté n’ait la bonté d’y pourvoir en y établissant un gouverneur et lui donnant moyen d’y subsister, et de remédier à beaucoup de désordres » 3.

La cour intervenait pour une tout autre raison, c’est-à-dire pour exercer son favoritisme.

La Vallière avait été nommé commandant de l’Acadie par Frontenac, en 1678. La cour ne confirmait cette nomination qu’en 1683. L’année suivante, elle s’empressait de congédier cet excellent fonctionnaire doublé d’un colon à poigne.

Le 10 avril 1681, François Perrot était retiré de Montréal « à cause de sa violence et de ses emportements » ; à cause, surtout, d’affaires assez louches. Mais il était neveu par alliance de l’intendant Talon. L’abandonnerait-on à son triste sort ? On le nomma gouverneur de l’Acadie, colonie dont on faisait peu de cas.