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LE BARON DE SAINT-CASTIN
vantage la fidélité des derniers, pour faire cesser leurs besoins et les esloigner des habitudes qu’ils ont commencé de prendre avec les Anglais ». Le gouverneur de la Nouvelle-France en était réduit à prendre sur les fonds de Québec pour ravitailler les sauvages de l’Acadie 11.

Le traité de 1693 ne pouvait étonner les gouvernants coloniaux. Combien de fois n’avaient-ils pas averti l’aveugle ministre ! Frontenac et Champigny écrivaient conjointement le 15 septembre 1692 :

« Quelque précaution que l’on puisse prendre pour la conservation de l’Acadie et pour le secours des habitans français du même lieu, on ne saurait y réussir avec le peu de forces qu’il y a, quand les Anglais y en voudront mener de considérables comme il leur est aisé. Tout ce que l’on peut faire est d’envoyer de temps en temps des munitions comme on a fait aux habitans des mines de Beaubassin et des autres endroits pour empêcher que l’abandon où ils croiraient être, si on ne les secourait, ne les contraignit de se donner aux Anglais, ce qu’ils ont jusques ici refusé de faire quoiqu’ils en aient été fort sollicités et aux menaces, comme aussi d’engager les Canibats et les Abénaquis par les présents que le Roi leur envoie à être toujours en action pour harceler les Anglais et détruire leurs campagnes ». Les mêmes revenaient à la charge, le 4 novembre 1693 : « Il est important… d’envoyer les choses nécessaires… pour faire la traite avec les Sauvages qui ne manqueraient pas si on ne leur donnait les moyens d’avoir avec les Français les marchandises et munitions pour leurs pelleteries de les porter aux Anglais ».

Villebon n’était pas pris au dépourvu. Les sauvages de Kennébec, Pentagoët, Médoctet et Dodagaria avaient envoyé des délégués à Naxouat, au mois de juin, expliquer qu’ils entraient en pourparlers parce qu’ils manquaient de tout. Ils ajoutaient qu’ils se rendraient à Pemquid avec sept Bostonnais afin d’échanger les prisonniers. Si les négociations n’aboutissaient pas, leur intention était de ne plus faire de quartier. Ils se rendraient là-bas en nombre, de sorte qu’ils seraient en état de tomber immédiatement sur la colonie en cas d’échec 12.


— III —


Villieu. — Les secours vinrent enfin, à Villieu et aux sauvages. Ceux-ci oublièrent leur traité.

Dans sa lettre du 14 février 1693, le ministre annonçait à Frontenac : « Comme le Roy ne veut pas que le Sr de Portneuf retourne à la rivière St-Jean, Sa Majesté désire que vous envoyiez pour remplir sa place de lieutenant dudit Sr de Villebon un officier dont la valeur, sagesse et expérience vous soient bien connues. On a indiqué le Sr de Courtemanche comme un sujet propre à cet employ… Le Roy fait sçavoir au Sr de Villebon que s’il a besoin de quelqu’autre officier d’augmentation, d’hommes et autres choses, qu’il ayt à s’adresser à vous ». Le roi se décidait à agir à cause des renseigne-