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IBERVILLE ET SAINT-CASTIN

mirifique élaboré par Louis XIV au camp de Mons. La France voulait bien que les Indiens se fissent tuer pour elle, mais le ventre vide. Leur récompense résiderait dans ces belles paroles des gouverneurs : « Vous avez mérité la faveur du roi mon maître ». Cette phrase pouvait combler d’aise un courtisan de Versailles. Au fond des forêts acadiennes, elle manquait de force persuasive.

Les sauvages réclamaient. À la fin de 1692, des messagers de Pentagoët allaient en France demander des vivres. On les avait choisis jeunes, peut-être pour attendrir le roi. Mais le roi n’avait pas l’attendrissement facile. Il ne vit dans cette démarche qu’un indice du total assujettissement des Peaux-Rouges. Le ministre écrivait à Frontenac, le 14 février 1693 : « Le Roy n’a pas laissé d’espérer que ces Sauvages sauront demeurer fidèles et dans les dispositions où ils auront esté jusqu’à présent de nuire aux Anglais de toutes leurs forces quand Sa Majesté a sçeu que les chefs avaient envoyé deux de leurs enfants pour luy demander du secours ». Par une lettre du 14 août de la même année Frontenac annonçait le retour de l’un de ces enfants, fils de Madokawando (Mataowando, ainsi qu’il écrit ce nom). L’autre était mort de la petite vérole à Niort 10.

Frontenac et Villebon n’écrivaient pas une lettre en France sans implorer l’envoi de présents aux sauvages. Cela devenait une obsession. N’y voyaient-ils pas la condition essentielle du salut de l’Acadie, comme de la Nouvelle-France ? Les sauvages ne combattaient que ravitaillés, et ils constituaient pour ainsi dire la seule défense efficace contre la Nouvelle-Angleterre, surtout en Acadie. Dès la fin de 1692, ainsi que l’écrivait le ministre dans sa lettre à Frontenac en date du 14 février 1693, « M. de Villebon avait esté abandonné par les officiers que vous luy aviez cy-devant envoyés à la réserve du Sr de Neuvillette, et il n’a pu retenir les Canadiens que vous aviez détachez l’année passée pour servir sous ses ordres, en sorte qu’il ne luy estait resté que les six soldats revenus de Boston ».

Il vint du secours en 1693, mais les envois n’eurent aucune régularité. Dès le 13 mars 1694, Frontenac écrivait encore au ministre :

« Il est ordonné au Sr de Bonaventure… d’aller à la rivière Pentagouet pour y porter les présens pour les sauvages de ladite rivière et pour les Canibats, ce qu’on a cru indispensable pour asseurer da-