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IBERVILLE ET SAINT-CASTIN


— II —


Traité. — Les sauvages n’étaient pas restés inactifs. Le 5 octobre 1692, l’intendant Champigny de la Nouvelle-France écrivait au ministre que « les Canibats et les Abénaquis désolent la campagne vers Boston et Manate, ce qu’on voit par le nombre de prisonniers et de chevelures qu’ils envoient ».

Cependant, regrettant l’avortement des plans d’Iberville et mal ravitaillés, les Abénaquis aspiraient à la paix. D’un autre côté, au printemps de 1693, le capitaine Convers, à la tête d’une forte troupe, avait parcouru la région pour la nettoyer des bandes de pillards. S’il avait tué peu d’indiens, les tribus s’étant évanouies dans les bois selon leur coutume, il avait agi avec vigueur et couronné sa campagne par la construction d’une solide forteresse à Saco 5. Ce fort, s’ajoutant à celui de Pemquid, ne pouvait que produire une profonde impression sur les indigènes.

De leur côté, aussi épuisés et au surplus mécontents de la nomination de Phipps au poste de gouverneur, les colons désiraient tout autant la paix.

En conséquence, un traité était signé à Pemquid, le 11 août 1693. Madokawando et Ahonquit y apposaient leurs marques au nom des Indiens de Pentagoët ; d’autres plénipotentiaires signaient au nom des autres tribus.

Par ce pacte, les sauvages s’engageaient à remettre en liberté leurs prisonniers anglais (ce dont ils se gardèrent bien). Ils renonçaient à leur alliance avec la France et reconnaissaient le roi d’Angleterre pour leur souverain. Comme gage de leur bonne foi, ils livraient cinq otages, parmi lesquels Wenongahewitt, cousin de Madokawando. Ces otages ne tardèrent pas à s’évader 6.

Saint-Castin n’avait pas signé cet instrument. De fait, il n’apposa jamais sa signature aux traités de cette sorte. Était-ce désir de ne pas lier son sort à celui des indigènes et de laisser dans l’ombre son rôle de chef abénaquis, afin de conserver l’amitié des Anglais et de reprendre avec eux un commerce profitable, la paix revenue ? Sa prudence, ou sa duplicité, s’inspirait plutôt d’un autre motif. Personne ne prenait bien au sérieux les traités signés par les sauvages. Ce n’était presque toujours, on ne l’ignorait pas, que des trêves pures et sim-