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LE BARON DE SAINT-CASTIN

des bonnes méthodes de guerre en ces pays difficiles il accomplirait de grandes choses. À partir de cette époque, il ne fit guère de projet contre la Nouvelle-Angleterre sans réclamer l’aide de Saint-Castin. La prise de Pemquid, en 1694, démontra ce qu’une telle collaboration pouvait donner. Pour le malheur de la Nouvelle-France et de l’Acadie, ces deux hommes ne purent que bien rarement unir leur action.


Frontenac n’aima point la tournure qu’avait prise l’expédition.

L’année suivante, M. d’Iberville arrivant encore trop tard de France pour le voyage à la baie du Nord croisa de nouveau sur les côtes de la Nouvelle-Angleterre. Saint-Castin se tenait prêt à appuyer une attaque contre Pemquid.

Cette attaque ne se produisit pas, parce que, en vue du fort, Iberville constata l’insuffisance de ses moyens contre la formidable défense des Anglais. Du reste, une frégate croisait dans le port et, assure Charlevoix, Iberville n’avait pas de pilote côtier.

Furieux, Frontenac écrivit au ministre, le 25 octobre 1693 :

« Je n’ay jamais pu comprendre avec quelles raisons le Sr d’Iberville a pu s’excuser de son inaction et d’estre demeuré vingt et un jours aux Monts Déserts sans rien faire et sans mesme en les quittant attaquer le fort de Pemkuit qu’il luy estait fort facile de prendre ny courir sur trois frégates ennemies dont l’une était à la rade de ce fort, l’autre à Pescadouet et la troisième devant Port-Royal, dont il se serait très aisément rendu le maistre ou que du moins il aurait pu couler à fond ; les officiers qui estaient avec luy m’ont dit à leur retour que rien n’estait plus facile et qu’ils luy proposaient tous (…) Des intérêts particuliers et la crainte d’exposer des femmes et une sœur qu’il avait sur son bord et qu’il emmenait en France, avait prévalu sur toutes leurs remontrances dont mesmes les sauvages qui s’estaient rendus au rendez-vous que je leur avais donné avaient esté fort indignez » 4.

Frontenac se laissait emporter par son caractère violent. Iberville n’avait pas attaqué Pemquid parce qu’il avait vu la parfaite inutilité d’un combat qui lui aurait coûté, sans résultat, du monde et peut-être ses navires. Intrépide, il savait modérer sa fougue quand la prudence s’imposait.