Dès lors, l’affolement ne connut plus de bornes. Le conseil ordonna à ses sbires de s’emparer de cette bête féroce, mais par ruse ; autrement, on n’en viendrait jamais à bout. Des courriers partirent dans toutes les directions ; le Maryland se cherchait des alliés en cette extrémité. Enfin, le conseil décidait de construire à la hâte de nombreux forts pour fermer la frontière. On supposait, en effet, que Saint-Castin ayant reconnu le terrain reviendrait avec une troupe considérable.
Drury se rendait enfin à St. Mary’s City. Ayant vu le Français, il déclarait que ce n’était pas Saint-Castin. À son tour, à cause des lettres M. C., Thompson commençait à douter, se rappelant que le véritable nom du chef des Terratines était Vincent Saint-Casteen.
Thompson trouva le mot de l’énigme. L’homme, dit-il, s’appelle Martin Shortive. C’est un ami ou un associé de Saint-Castin. Évidemment, il est là comme espion. Mais il remplit une autre mission : la squaw qui l’accompagne est la femme de Saint-Castin, dont celui-ci veut se débarrasser et que Chartier a charitablement adoptée. Quant aux Indiens, ce ne sont pas des Terratines, mais des indigènes du Sud, de la Louisiane ou des mêmes parages 22.
Le mystérieux Français était, en réalité, Martin Chartier, qui avait accompagné La Salle dans ses voyages, puis, ayant déserté, avait vécu parmi les tribus du Mississipi. La sauvagesse qui l’accompagnait était sa femme et non pas celle de Saint-Castin, il va sans dire. Cependant les gens du Maryland avaient raison de penser qu’il était en relations avec Saint-Castin, et Thompson l’avait sans doute aperçu à Pentagoët ainsi qu’il le jurait. Du reste, Chartier reconnut aussi Thompson.
Deux documents nous renseigneront, imparfaitement, sur les relations du baron avec Martin Chartier.