Page:Daviault - Le Baron de Saint-Castin, chef abénaquis, 1939.djvu/101

Cette page a été validée par deux contributeurs.
99
LES SAUVAGES DE SAINT-CASTIN

Port-Royal où il menoit un commandant et vingt hommes de garnison ».

Dans la lettre, datée du 3 septembre 1691 20, où il racontait ces faits à Frontenac, Saint-Castin exposait la faiblesse de Boston. Toujours admirablement renseigné sur la Nouvelle-Angleterre, soit par son commerce, ou par ses espions, il communiquait ses renseignements au gouverneur de la Nouvelle-France. Ses messagers faisaient la navette entre Québec et Pentagoët. Ils avaient prévenu Frontenac des projets de Phipps, nous l’avons vu. Or, Phipps avait à peine levé le siège de Québec depuis deux jours, que deux Abénaquis venaient annoncer à Frontenac la défaite d’une grande flotte anglaise, battue par Tourville dans la Manche. Ils ajoutaient que la petite vérole avait fait mourir 400 Iroquois et 100 Mohicans destinés à une expédition contre Montréal et que les Flamands de Manhatte devaient reprendre les négociations avec les indigènes de Michillimakinac. Mais, au mois de mars 1691, de nouveaux courriers de Saint-Castin annonçaient à Frontenac que seulement quatre des navires de Phipps étaient rentrés à Boston. Ils ajoutaient que les marchandises étaient rares dans la Nouvelle-Angleterre ; que la plus grande partie des campagnes étaient en friche et qu’un grand nombre d’habitants s’étaient réfugiés à Boston et à Manhatte. « Ce dernier article était le fruit des courses des Canibas et des autres Abénaquis qui pendant cet hiver ravagèrent plus de cinquante lieues de pays » 21.


— V —


Martin Chartier. — Un curieux incident qui se passa vers cette époque jette une lumière intéressante sur l’espionnage organisé par Saint-Castin. Il nous renseigne, d’un autre côté, sur la terreur répandue par son nom dans toute l’Amérique anglaise.

En février 1692, l’établissement de St. Mary’s City, dans le Maryland, était tout en émoi. Il venait d’y arriver un étrange personnage, vêtu d’un splendide manteau de fourrure, et accompagné d’une squaw ainsi que d’une troupe nombreuse de sauvages. Il parlait plusieurs langues et semblait exercer un empire considérable sur les gens de sa suite.