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LUDWIG VAN BEETHOVEN

intention douloureuse, dans l’adagio du VIIe quatuor, c’est déjà le groupe wagnérien, la plainte de Parsifal, apprenant la mort de sa mère Herzeleide ; un peu plus loin, ce sont les mêmes pizzicati de contrebasses dont s’accompagne, dans le Freischütz, la présence de Samiel, prince de la Haine, comme Pizarro en est le serviteur. Il n’est pas jusqu’à la fatale quinte diminuée des géants Fafner et Fasolt dans le Rheingold, qu’on ne trouve ici notée pour les timbales sonnant les pulsations de la fièvre dans le cœur du prisonnier. Cette introduction restera un chef-d’œuvre d’art dramatique au même titre que la mort de Clærchen dans Egmont.

Et que dire des trois ouvertures en ut, où le drame tout entier se déroule sous nos yeux ? Que dire surtout de l’ouverture désignée sous le numéro 3, que Beethoven écrivit pour la reprise de 1806 ? Dans ces compositions, le thème de plainte et le thème d’espérance, qui sont comme la représentation des deux personnages, arrivent peu à peu, à l’issue d’une âpre lutte contre la haine, à se réunir, se transformant, après la fanfare libératrice, en l’élan du plus ardent amour !

Il nous faut encore parler d’une œuvre qui, sans offrir un grand intérêt musical, garde cependant, pour des raisons d’atavisme, une certaine importance. Nous avons déjà vu naître, dans un simple lied[1], la primitive expression de ce Gegenliebe, qui préoccupa Beethoven toute sa vie. L’amour mutuel de l’homme et de la femme, le seul dépeint dans la mélodie de 1796, nous

  1. Voy. p. 32.