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LUDWIG VAN BEETHOVEN

l’entrée du monument ; le Sphinx interrogé rend son oracle, et cet oracle dit : « Il faut prier. » Mais cette prière ne va pas sans combats ; un dessin passionné d’abord, un appel de guerre ensuite (comme dans l’Agnus de la Messe) viennent l’interrompre ; cependant le flot bienfaisant, par deux fois détourné, reprend son cours et s’élève, vainqueur du monde, jusqu’au seuil du temple où va se célébrer le mystère de l’Amour. — Le noble et généreux motif du finale, déjà pressenti, nous l’avons vu, dans deux œuvres antérieures[1], c’est encore l’arpège-clef, mais en place, cette fois, presque sans mouvement, puisqu’il a enfin trouvé la certitude. Il est réuni par une chaîne de notes secondaires, qui pourraient symboliser l’union fraternelle des mains unies par la Charité. Après une double exposition de ce thème de « mutuel amour », une première variation nous montre l’âme partant en guerre contre l’armée de la Haine, contre la foule de ceux « qui n’aiment pas » ; une deuxième variation nous fait assister à la bataille et une troisième ramène l’âme victorieuse. — Toutefois, cette victoire ne suffit pas. Et qui donc a le pouvoir de rendre l’Amour éternellement durable ? — C’est alors que s’élève un chant liturgique, un psaume construit dans le huitième ton grégorien (avec, peut-être, un peu moins de délicatesse dans l’emploi du triton que n’en mettaient les moines compositeurs du moyen âge). « Regardez, millions d’êtres, au delà des étoiles, vous y verrez la demeure du Père céleste, de celui dont découle tout Amour. » Et la mélodie religieuse s’unit au thème de la Charité pour conclure en une joie exubérante jusqu’à la frénésie.

  1. Voy. p. 32 et 82.