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Je suis auprès de vous en fort bonne posture
30De passer pour un homme à donner tablature ;
J’ai la taille d’un maître en ce noble métier,
Et je suis, tout au moins, l’intendant du quartier.

DORANTE.

Ne t’effarouche point : je ne cherche, à vrai dire,
Que quelque connoissance où l’on se plaise à rire,
35Qu’on puisse visiter par divertissement,
Où l’on puisse en douceur couler quelque moment.
Pour me connoître mal, tu prends mon sens à gauche.

CLITON.

J’entends, vous n’êtes pas un homme de débauche,
Et tenez celles-là trop indignes de vous
40Que le son d’un écu rend traitables à tous.
Aussi, que vous cherchiez de ces sages coquettes
Où peuvent tous venants débiter leurs fleurettes[1],
Mais qui ne font l’amour que de babil et d’yeux,
Vous êtes d’encolure à vouloir un peu mieux.
45Loin de passer son temps, chacun le perd chez elles ;
Et le jeu, comme on dit, n’en vaut pas les chandelles.
Mais ce seroit pour vous un bonheur sans égal
Que ces femmes de bien qui se gouvernent mal,
Et de qui la vertu, quand on leur fait service,
50N’est pas incompatible avec un peu de vice.
Vous en verrez ici de toutes les façons.
Ne me demandez point cependant des leçons[2] :
Ou je me connois mal à voir votre visage,
Ou vous n’en êtes pas à votre apprentissage ;
55Vos lois ne régloient pas si bien tous vos desseins
Que vous eussiez toujours un portefeuille aux mains.

  1. Var. Qui bornent au babil leurs faveurs plus secrètes,
    Sans qu’il vous soit permis de jouer que des yeux (a), (1644-56)

    (a) Voyez p. 141, note 1.

  2. L’édition de 1682 donne seule des leçons, pour de leçons.