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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES

elle commença à lui parler : Yves, surpris, cherchait en vain où il avait pu déjà entendre cette voix. Tout à coup il se souvint :

— Gaïdic ! dit-il…

— Mon Yves bien-aimé, lui répondit-elle en tombant dans ses bras.

Il passèrent la nuit à se raconter ce qui leur été arrivé depuis leur séparation. Yves fut bien heureux d’apprendre la naissance de son fils, et, résolu de retourner vivre avec sa femme au manoir de Kermac’hek il alla, le lendemain matin, trouver celle qui aurait été sa belle-mère.

— Madame, lui dit-il, en arrivant ici j’ai acheté une nouvelle clef pour la serrure de mon armoire, et voici que je viens de retrouver l’ancienne. Je voudrais avoir votre avis pour savoir laquelle je dois mettre en réserve.

Elle lui répondit que si l’ancienne allait bien, il fallait la garder, et mettre la nouvelle en réserve pour le cas où il viendrait à la reperdre.

— Alors, Madame, lui répondit-il, je regrette beaucoup de vous le dire, mais j’ai retrouvé mon ancienne femme et, d’après vos conseils, je la garde et je laisse votre fille en réserve.

La dame fut bien contrariée, mais elle ne pouvait se dédire de l’avis qu’elle avait donné.

Yves de Kermac’hek fit alors prévenir sa mère, qui envoya aussitôt un beau carrosse doré pour le chercher ; elle fut heureuse de retrouver son fils et sa belle-fille, qui de leur côté furent bien joyeux de la revoir et surtout de revoir leur propre fils. On célébra leur retour par de grandes fêtes où tout le monde, jusqu’aux pauvres du pays, fut invité, et Yves de Kermac’hek et sa femme vécurent heureux en compagnie de leur fils jusqu’à la fin de leurs jours.

(Conté par Loeïz Derrien, de Plestin-les-grèves (Côtes-du-Nord), en 1904.)

Yves Sébillot

Ce conte présente plusieurs traits parallèles à ceux d’un conte de Luzel, l’Homme-poulain (t. 1, p. 295 et suiv. des Contes de Basse-Bretagne).