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la défensive.

énergie et de son intensité. Ce phénomène doit être attribué à trois causes : 1o la concentration des troupes de la défense dans la province y attire des masses ennemies trop considérables ; 2o les populations estiment que la présence de l’armée nationale suffit pour les protéger ; 3o enfin, l’entretien, l’approvisionnement et le logement de masses de troupes si considérables réclament déjà une grande partie de l’activité des habitants.

On dispose encore d’un autre moyen de soustraire les milices et les populations armées à l’action trop directe et trop violente de l’ennemi ; c’est de ne les employer que rarement ou jamais à la défense tactique. Instrument de résistance stratégique d’une grande énergie, elles se comportent naturellement dans le combat comme les troupes de qualité inférieure ; elles y apportent beaucoup de puissance et de feu dans l’élan, mais leur sang-froid et leur ténacité s’épuisent vite. Il est certain que la défaite et la dispersion d’un corps de milices ne peut avoir que peu d’influence sur les masses insurgées ; elles savent d’avance qu’il en sera souvent ainsi. Il importe, néanmoins, de ne pas les exposer à de nombreuses pertes en tués, blessés et prisonniers, ce qui éteindrait bientôt toute leur ardeur. Le combat défensif demande une action mesurée, persistante, réfléchie, beaucoup de décision et d’audace, et y procéder par des élans et des à-coups n’y mènera jamais au succès. Les milices ne doivent donc jamais entreprendre de défendre une coupure de terrain dans l’intention d’y prolonger la résistance jusqu’à ses dernières limites. Les employer de la sorte, même dans les circonstances les plus favorables, serait les exposer à une perte certaine. Elles doivent se borner à défendre aussi longtemps que possible les débouchés des montagnes, les chaussées des marais, les gués et les ponts ; mais, dès qu’elles se voient forcées, au lieu de se retirer en