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lorsque leur Époux les rejeta de sa présence et qu’elles ne purent le fléchir en frappant à sa porte et en l’appelant par tant de cris redoublés ? Que leur servit d’avoir été vierges, lorsqu’elles ouïrent cette parole de tonnerre : « Retirez-vous, je ne vous connais point ». Quand cet Époux irrité a parlé de la sorte, que reste-t-il à ces vierges autre chose que l’enfer, et tous les tourments que l’on y souffre ? Ne peut-on pas dire même que cette parole est plus insupportable que l’enfer ? Cependant, mes frères, c’est ce que Jésus-Christ répondra à ces vierges folles. Et c’est ce qu’il témoigne encore ailleurs qu’il dira à tous les « ouvriers d’iniquité ». (Mt. 7,23)
« Veillez donc parce que vous ne savez ni le jour ni l’heure où le Fils de l’homme doit venir (13) ». Jésus-Christ a soin de redire souvent ces paroles, pour nous apprendre combien il nous est utile d’ignorer le moment de notre mort. Où sont donc ceux qui passent toute leur vie dans la lâcheté et dans la mollesse, et qui ne rougissent pas du nous répondre, lorsque nous les exhortons à faire l’aumône, qu’en mourant ils laisseront leurs biens aux pauvres. Qu’ils écoutent ces paroles et qu’ils se corrigent. On en a souvent vu attendre à leur mort à faire du bien, et mourir si soudainement qu’ils n’ont pu donner aucun ordre pour disposer de leurs biens.
Cette parabole donc regarde la charité qui se fait par les aumônes ; mais celle qui suit regarde généralement tous ceux qui ne veulent en rien contribuer au bien de leurs frères, ni de leurs biens, ni de leurs avis, ni de leur autorité, ni de quelque autre manière que ce soit, et qui se tiennent tout renfermés en eux-mêmes.
« Car Dieu agit avec les hommes comme un maître qui, devant faire un long voyage hors de son pays, appela ses serviteurs et leur mit son bien entre les mains (14). Et ayant donné cinq talents à l’un, deux à l’autre, et un à l’autre, à chacun selon son industrie, il partit aussitôt (15). Celui donc qui avait reçu cinq talents s’en alla, les fit valoir, et il en gagna cinq autres (46). Celui qui en avait reçu deux, en gagna de même encore deux autres (17). Mais celui qui n’en avait reçu qu’un alla faire un trou dans la terre, et y cacha l’argent de son maître (18). Longtemps après le maître de ces serviteurs étant revenu, leur fit rendre compte (19). Et celui qui avait reçu cinq talents, vint lui en présenter cinq autres en lui disant : Seigneur, vous m’aviez mis cinq talents entre les mains, « en voici cinq autres que j’ai gagnés par-dessus (20). Son maître lui répondit : Bien ! serviteur bon et fidèle, parce que vous avez été fidèle en peu de choses, je vous établirai sur beaucoup, entrez dans la joie de votre Seigneur (21). Celui qui avait reçu deux talents vint aussi se présenter et dit : Seigneur, vous m’avez mis deux talents entre les mains, en « voici deux autres que j’ai gagnés par-dessus « (22). Son maître lui répondit : Bien ! serviteur bon et fidèle, parce que vous avez été fidèle en peu de choses, je vous établirai sur beaucoup. Entrez dans la joie de votre Seigneur (23). » Pourquoi cette parabole nous représente-t-elle Dieu comme un maître, après que celle des vierges, qui précède, parle de lui comme d’un époux ? C’est pour nous apprendre par cette qualité d’époux, l’union très-étroite que Jésus-Christ veut avoir avec les vierges qui quittent tout pour son amour. Car c’est en cela proprement que consiste la virginité. C’est pourquoi saint Paul en parle de la sorte : « La vierge », dit-il, « qui n’est point mariée, a soin de ce qui regarde le Seigneur, afin qu’elle soit sainte de corps et d’esprit ». (1Cor. 7,32) Si l’on objecte que dans saint Luc la parabole est rapportée tout différemment, on pourra répondre que les deux Évangélistes ne racontent pas la même parabole. Dans la parabole de saint Luc ; un capital égal produit des revenus inégaux. Une mine en rend cinq entre les mains d’un serviteur et dix entre les mains d’un autre. Aussi ces serviteurs ne reçoivent-ils pas des récompenses égales. Dans notre Évangéliste, au contraire, le rapport est en proportion de l’argent confié, c’est pourquoi la couronne est égale ; elle est inégale chez saint Luc, parce que, je le répète, un même argent a rendu ici plus et là moins.
Mais remarquez, mes frères, dans l’une et dans l’autre des paraboles, que Dieu ne revient pas tout de suite redemander compte de l’argent qu’il avait donné en dépôt, mais qu’il laisse passer beaucoup de temps. On voit aussi dans la parabole de la vigne, qu’après l’avoir donnée aux vignerons, il va faire un grand voyage ; voulant nous faire comprendre par toutes ces circonstances avec quelle patience il nous supporte. Il me semble aussi voir dans