Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 8, 1865.djvu/63

Cette page n’a pas encore été corrigée

HOMÉLIE LXXXVI.


« OR, JÉSUS FUT PRÉSENTÉ DEVANT LE GOUVERNEUR ET LE GOUVERNEUR L’INTERROGEA EN CES TERMES : Êtes-vous LE ROI DES JUIFS ? JÉSUS LUI RÉPONDIT : VOUS LE DITES. ET ÉTANT ACCUSÉ PAR LES PRINCES DES PRÊTRES ET LES SÉNATEURS, IL NE RÉPONDIT RIEN ». (CHAP. 27,11, 12, JUSQU’AU VERSET 27)

ANALYSE.

  • 1. Dans quel sens Jésus-Christ se dit roi. – Jésus devant Pilate.
  • 2. Pilate cherche à délivrer Jésus. Ce juge tombe par faiblesse dans une prévarication très-grave. Il fallait qu’il fit son devoir comme le tribun dont il est parlé dans les actes, lequel sauva saint Paul de la fureur des Juifs.
  • 3 et 4. Combien il faut craindre les moindres fautes, puisque c’est par elles que le démon tâche de nous faire tomber dans les plus grandes. – Exemple sur ce sujet. – Que les plus grands désordres dont on gémit dans le monde, viennent d’avoir négligé d’abord les péchés les plus légers. – Contre le désespoir. – Des mauvais effets d’un zèle indiscret.


1. Remarquez mes frères, que ce juge commence à interroger Jésus-Christ sur un fait dont les Juifs l’accusaient sans cesse. Comme ils voyaient que ce Romain était fort indifférent aux accusations des crimes qui ne regardaient que leur Loi, ils lui allèguent des crimes d’État. C’est ainsi qu’ils agirent ensuite envers les apôtres. Ils les accusaient continuellement de prêcher un certain Jésus, et de le vouloir faire passer pour roi, quoique ce ne fût qu’un particulier et un homme fort ordinaire, pour les rendre ainsi odieux comme des rebelles à l’empire, et comme des partisans d’un usurpateur et d’un tyran. C’est ce qui nous fait voir que le déchirement de la tunique et l’indignation du grand prêtre n’étaient qu’une feinte. Ces gens voulaient faire mourir Jésus, et pour atteindre ce but ils usaient de tous les moyens, tantôt de celui-ci, tantôt de celui-là. C’est donc la première demande que Pilate fait à Jésus-Christ, à quoi le Sauveur répond : « Vous le dites ». Il avoue qu’il est roi mais il déclare en même temps que son royaume vient du ciel, comme il est marqué plus nettement dans saint Jean : « Mon royaume n’est pas de ce monde » (Jn. 18,36) ; il disait cela pour ôter toute excuse à Pilate et à tous les Juifs. La preuve qu’il donne de la vérité de cette déclaration est sans réplique : « Si mon royaume », dit-il, « était de ce monde, mes sujets feraient la guerre, pour empêcher que je ne fusse livré ». C’était pour repousser ce soupçon qu’il avait voulu payer le tribut, et avait commandé aux autres de le payer, afin qu’en ce point on n’eût aucune prise sur lui. Ce fut encore pour ce même motif qu’il s’enfuit, lorsque tout le peuple venait pour le faire roi.
Vous me demanderez peut-être pourquoi Jésus-Christ n’alléguait point toute sa conduite passée pour se défendre de ce crime qu’on lui objectait. Je vous réponds que les Juifs avaient mille preuves de la modération du Sauveur, et du soin qu’il avait toujours eu de tempérer et de couvrir sa souveraine puissance. Mais ils s’aveuglaient volontairement eux-mêmes pour satisfaire leur fureur ; il voulut demeurer ici dans le silence sans se mettre en peine de se justifier, parce que tout était corrompu dans ces assemblées, et qu’on ne gardait envers lui aucune règle, ni aucune forme de justice.
Voilà quelle était la raison de ce silence qu’il ne rompait que de temps en temps et seulement par de courtes réponses, de peur qu’un silence complet ne passât pour un effet de l’orgueil. Ainsi, il répondit au grand prêtre, lorsqu’il le conjura de lui parler, et il fit quelques réponses courtes à Pilate : mais il ne se mit point eu peine de se justifier des accusations dont on le chargeait, et comme il était très-assuré qu’il ne les persuaderait jamais de son innocence, il ne dit pas un mot pour la leur