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de plus sévères peines, s’il ne fait pénitence de son crime : « Quoi donc », dit Jésus-Christ dans l’Évangile, « vous imaginez-vous que ces dix-huit hommes sur lesquels la tour de Siloé est tombée, et qu’elle a tués, fussent plus redevables à la justice de Dieu que tous les habitants de Jérusalem ? Non, je vous en assure, mais si vous ne faites pénitence, vous périrez tous de la même manière ». (Lc. 13,4) Faisons donc pénitence, mes frères ; faisons des aumônes qui soient pures et exemptes de toute avarice. Donnons, non pas avec retenue, mais avec profusion.
Souvenez-vous que les Juifs nourrissaient autrefois tous les jours huit mille lévites, et avec eux les veuves et les orphelins, sans parler des autres taxes pour la guerre auxquelles ils étaient obligés. L’Église, au contraire, possède des terres, des maisons, des logements qu’elle loue, des chariots, des chevaux, des mulets, et plusieurs autres choses semblables, qu’elle ne possède qu’à cause de vous, et de votre cruauté car l’ordre eût voulu que ce trésor de l’Église fût demeuré entre vos mains, et que l’Église reçût de grands fruits de votre charité. Or, cette possession des biens ecclésiastiques a produit en même temps deux grands maux : l’un que vous restez sans produire aucun fruit de charité ; et l’autre que les pontifes de Dieu et les ministres de Jésus – Christ sont mêlés dans le commerce des choses profanes.
4. L’Église ne pouvait-elle pas autrefois posséder des terres et des maisons ? Et pourquoi les apôtres vendaient-ils celles qu’on leur offrait pour en donner l’argent aux pauvres, sinon parce que cette conduite était plus excellente et plus avantageuse au bien de l’Église ? Mais nos pères ensuite ayant vu que vous étiez embrasés de l’amour des choses temporelles et séculières, ils sont entrés dans une juste crainte, que, lorsque vous ne travailleriez qu’à recueillir sans rien semer, toute la troupe des veuves, des orphelins et des vierges ne mourût de faim ; et c’est dans cette appréhension qu’ils ont été contraints d’acquérir des biens et des revenus assurés. Ce n’est qu’avec peine et avec violence qu’ils se sont laissés aller à cette acquisition qui leur était peu honorable, et leur plus grand désir était de recevoir de tels fruits de votre piété et de votre dévotion, qu’ils n’eussent point d’autre soin que de s’appliquer à la prière. Mais maintenant vous les avez forcés d’imiter le soin et le procédé de ceux qui manient les affaires séculières : ce qui cause une confusion et un trouble universel.
Car lorsque nous sommes, comme vous, occupés des choses de la terre, quel est demi d’entre nous qui peut rendre Dieu favorable aux autres ? Nous n’avons plus aujourd’hui la liberté d’ouvrir la bouche pour nous rendre médiateurs entre lui et les hommes, ni pour reprendre les excès du siècle, parce que l’Église n’est pas mieux gouvernée que le sont les choses du monde. Ne savez-vous pas que les apôtres ne crurent pas devoir eux-mêmes distribuer ces sommes d’argent qui avaient été recueillies sans peine ? Et aujourd’hui les évêques qui leur succèdent sont devenus comme des intendants ou des économes, des receveurs, dés dispensateurs, des trafiqueurs, à cause du soin et de l’occupation que leur donnent les biens temporels. Au lieu de veiller sur leur troupeau, et sur les âmes que Dieu leur a confiées, ils s’appliquent avec ardeur au ménagement des revenus des terres et du profit de l’argent, comme feraient des publicains et des financiers. Ils pensent tout le jour à ces affaires, et pour elles seules ils sont actifs et vigilants.
Je ne déplore pas ce malheur en vain, mais par le désir que j’ai qu’il se fasse quelque changement en mieux ; afin que nous, qui souffrons cette dure servitude, nous obtenions miséricorde, et que vous procuriez, vous, des fruits et des revenus à l’Église. Que si vous ne voulez pas faire cela, vous voyez les pauvres devant vos yeux, nous ne négligerons pas de nourrir tous ceux que nous pourrons, mais nous vous enverrons les autres, auxquels je vous prie de donner avec soin de quoi vivre, de peur qu’au jour terrible du jugement vous n’entendiez ces paroles qui seront dites contre les avares : « Vous m’avez vu avoir faim, et vous ne m’avez pas donné à manger ».
Il est certain que cette inhumanité nous rend dignes de risée aussi bien que vous. Car, de ce que les ecclésiastiques quittent le soin de la prédication, de la prière et le reste du service de l’Église, il s’en suit que les uns ont des différends à démêler avec des vendeurs de vin, les autres avec des vendeurs de blé, les autres avec d’autres marchands qui gâtent et allèrent les marchandises. De là viennent des disputes, des querelles, des injures, et ces diffamations,