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particulièrement le soin que nous devons avoir de les assister de nos biens. C’est pourquoi cette parabole des vierges a quelque chose de bien plus étonnant que les autres. Car il ne parle dans les autres que de la punition encourue par celui qui frappait et qui outrageait les serviteurs de son maître, et qui dissipait son bien par son intempérance et ses excès ; mais dans celle de ces vierges il déclare qu’il punit même celui qui manque, de charité pour ses frères, et qui n’est point libéral envers les pauvres. Car ces vierges avaient toutes de l’huile, mais toutes n’en avaient pas avec cette abondance que Dieu demandait d’elles, et c’est ce qui en fait tomber cinq dans une condamnation si effroyable.
Mais pourquoi, mes frères, Jésus-Christ ne nomme-t-il pas ici d’autres personnes moins considérables ? Pourquoi choisit-il particulièrement des vierges ? Il avait déjà assez relevé cette vertu lorsqu’il avait dit : « Qu’il y avait des eunuques qui s’étaient rendus tels à cause du royaume des cieux », ajoutant aussitôt : « Que celui qui peut le comprendre le comprenne ». (Mt. 19,12) Il n’ignorait pas que les hommes estimaient beaucoup cette vertu, parce qu’elle a de l’éclat par elle-même. Sa grandeur paraît assez en ce que les saints de l’Ancien Testament, qui d’ailleurs étaient si admirables, ne gardaient pas néanmoins cette vertu, et que Jésus-Christ même dans la loi nouvelle ne l’impose point comme nous venons de dire, comme une loi nécessaire et indispensable. Car le Fils de Dieu ne la prescrit point à ses disciples ; il se contente seulement de les y porter et de la leur conseiller. C’est pourquoi saint Paul dit : « Pour ce qui regarde les vierges, je n’ai point de précepte exprès du Seigneur ». (1Cor. 7,25) Je puis bien louer celui qui veut embrasser cet état, mais je n’y puis contraindre personne ni en faire un commandement exprès.
Comme donc cette vertu était en effet très-éclatante, et qu’elle devait être en grande estime dans l’esprit des hommes, Jésus-Christ empêche ici qu’on ne croie qu’elle pouvait suffire elle seule, et qu’en la possédant on pouvait ensuite se relâcher dans là pratique des autres vertus. C’est pour ce sujet qu’il rapporte cette parabole étonnante, afin d’apprendre aux vierges que, quand d’ailleurs elles accompagneraient leur virginité de tout ce qu’il y a de plus louable, si elles manquent à témoigner leur charité par les aumônes, elles seront rejetées de Jésus-Christ et reléguées avec les impudiques.
Et certes c’est avec grande raison que Dieu exercera un jugement si sévère contre ces vierges. Car les impudiques sont emportés par l’amour charnel, au lieu que les autres le sont par leur passion pour les richesses. Or, il est visible que la première de ces passions est beaucoup plus violente que la seconde. Plus donc l’ennemi qui attaquait ces vierges était faible, plus elles étaient coupables en y succombant. C’est pour cette raison que Jésus-Christ les appelle « folles », parce qu’ayant vaincu un ennemi beaucoup plus fort, elles se laissent vaincre à un plus faible. « Les lampes » marquent le don même de la virginité qui se conserve par la pureté du corps, et « l’huile » signifie la miséricorde, la charité et le soin qu’on a d’assister les pauvres.
« Comme l’Époux était longtemps à venir, elles s’assoupirent toutes et s’endormirent (5) ». Jésus-Christ donne ici à entendre que l’intervalle entre son premier et son second avènement ne serait pas si court que ses disciples le croyaient, et il réfute par ces paroles la pensée que ses apôtres avaient que le règne de Jésus-Christ viendrait bientôt. On voit que souvent il les détrompe de cette attente. Il marque aussi en même temps que la mort n’est qu’un sommeil : « Elles s’assoupirent », dit-il, « et s’endormirent toutes ».
« Mais sur le minuit on entendit un grand cri (6) ». Jésus-Christ rapporte cette circonstance ou pour continuer la parabole, ou pour montrer que la résurrection générale se ferait durant la nuit. Saint Paul marque aussi ce cri, lorsqu’il dit : « Aussitôt que le signal aura été donné par la voix de l’archange et le son de la trompette de Dieu, le Seigneur lui-même descendra du ciel ». (1Thes. 4,16) Mais que diront ces trompettes et ce grand bruit dont l’Évangile parle ? « Voici l’Époux qui vient, allez au-devant de lui. Toutes ces vierges se levèrent aussitôt et préparèrent leurs lampes (7). Mais les folles dirent aux sages : Donnez-nous de votre huile, parce que nos lampes s’éteignent (8) ». Il leur donne encore une fois le mot de « folles », pour montrer qu’il n’y a rien de plus insensé que d’amasser beaucoup d’argent en cette vie dont nous devons bientôt sortir sans rien emporter avec nous, au lieu que nous n’y devrions travailler