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à-dire, sur les gentils. Mais – il ne révèle rien et n’explique rien, parce que l’obscurité même de la prophétie servait ses projets. « Je ferai paraître des prodiges dans le ciel ». Le vague de cette menace était bien propre 'à épouvanter les esprits, et toute explication en eût diminué la salutaire terreur. Il se tait donc sur cette prophétie, comme étant par elle-même assez claire, et facile à comprendre. D’ailleurs, il se réserve de l’expliquer en parlant de la résurrection, et il y dirige l’enchaînement de son discours. Ainsi son silence est volontaire et réfléchi, parce que la promesse d’un heureux 'avenir eût été impuissante pour attirer les Juifs à l’Évangile. Ajoutez encore que nul n’échappera aux désastres du dernier jour, tandis que sous Vespasien les chrétiens évitèrent la mort. Et c’est à cette fuite que se rapportent ces paroles du Sauveur : « Si ces jours n’eussent été abrégés, toute chair eût été détruite ». (Mt. 24,22) Le premier malheur des Juifs fut, en effet, cette ligne de circonvallation qui prit, comme dans un filet, tous les habitants de Jérusalem, et le second fut la ruine et l’incendie de la ville.
L’apôtre continue ensuite la métaphore, et met, comme sous les yeux de ses auditeurs, la désolation de Jérusalem : « Le soleil », dit-il, « se changera en ténèbres et la lune en sang ». Que signifie ce changement de la lune en sang ? Il me paraît indiquer un effroyable carnage ; et ce langage était bien propre à consterner tous les esprits. « Et quiconque invoquera le nom du Seigneur, sera sauvé ». Quiconque, dit-il ; c’est-à-dire, sans qu’il l’explique, le prêtre, l’esclave et l’homme libre. « Car il n’y a plus en Jésus-Christ d’homme ni de femme, d’esclave ni d’homme libre ». (Gal. 3,28) Et certes, toutes distinctions sont avec raison abolies sous l’Évangile, de même qu’elles subsistaient sous la loi mosaïque, parce qu’elle n’était que figurative. Et en effet, si, dans le palais impérial, le noble ne se distingue point du plébéien, et si chacun ne s’illustre que par ses œuvres et se recommande par son service, combien plus doit-il en être ainsi dans le christianisme ! « Quiconque invoquera le nom du Seigneur ». Ce n’est pas sans raison que le prophète emploie ce terme ; car Jésus-Christ nous assure que « tous ceux qui lui disent : « Seigneur, Seigneur, ne seront point sauvés », et qu’il n’y aura d’élus que ceux qui le lui diront avec ce véritable amour qui repose sur une bonne vie et une grande confiance. Au reste, l’apôtre ne décourage point ses auditeurs, bien qu’il leur révèle de profonds mystères et qu’il ne leur cache point les terreurs des supplices éternels. Et comment ? Parce qu’il leur montre le salut dans l’invocation du nom du Seigneur.
3. Que dites-vous, ô grand apôtre ? Vous placez le salut à côté de la croix ! Attendez un peu, et vous connaîtrez combien est grande la miséricorde du Sauveur Jésus. Car la vocation des gentils n’est pas une preuve moins éclatante de sa divinité que sa résurrection et ses miracles. Souvenez-vous aussi qu’un des attributs de Dieu est d’être infiniment bon ; aussi Jésus-Christ dit-il : « Nul n’est bon, si ce n’est Dieu seul ». (Lc. 18,19) Mais il punit également en Dieu, en sorte que sa bonté ne doit point favoriser en nous la paresse et la négligence. C’est ce que nous apprend admirablement l’apôtre quand il dit : « Quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé ».
Et maintenant je veux, en parlant de la ruine de Jérusalem et de l’effroyable vengeance que le Seigneur en tira, vous prémunir contre les marcionites et plusieurs autres hérétiques. Ils disent qu’en Jésus-Christ le Dieu était bon, et que l’homme était mauvais. Or, qui est l’auteur de ces maux ? L’homme mauvais a-t-il vengé le Dieu bon ? Nullement. C’est donc un être qui lui est étranger, ou bien le Dieu bon a fait ainsi éclater ses vengeances. Mais alors il est manifeste qu’il faut les rapporter au Père non moins qu’au Fils. C’est ce que prouvent, pour le Père, plusieurs passages de l’Évangile, et spécialement celui-ci où il est dit que le père de famille détruira sa vigne. (Mt. 21,41) Il est également écrit du Fils qu’il fait ce commandement à ses serviteurs « Quant à mes ennemis qui n’ont pas voulu que je règne sur eux, amenez-les et faites-les mourir devant moi ». (Lc. 19,27)
Dans un autre endroit, Jésus-Christ annonce les calamités qui accableront Jérusalem, calamités inouïes jusqu’alors, et qu’il prédit lui-même. Voulez-vous que je vous en rappelle quelques traits ? On vit une mère, épouvantable atrocité ! faire rôtir son propre enfant. Et quoi de plus lamentable qu’un tel fait ! Faut-il décrire les horreurs de la famine et de la peste ? Et il y eut des horreurs plus grandes encore. On foulait aux pieds les lois de la nature et