Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 8, 1865.djvu/595

Cette page n’a pas encore été corrigée

Cependant, l’apôtre répand parmi ses auditeurs un vif sentiment de crainte, en leur rappelant ces épaisses ténèbres et l’attente du jugement. « Car elles précéderont le grand « jour dit Seigneur ». C’était leur dire : ne vous abusez pas en croyant que vous pouvez pécher impunément. Et telle est la conclusion de cette annonce du jour grand et terrible du Seigneur. Eh bien ! a-t-il remué les consciences, et changé les rires en remords ? Et, en effet, si déjà les pronostics de ce jour éclatent, les périls des derniers temps sont donc proches. Mais quoi ! va-t-il prolonger cet effrayant langage ? Nullement ; il permet à ses auditeurs de respirer, et continue ainsi : « Et il arrivera que quiconque invoquera le nom du Seigneur, sera sauvé ». Selon saint Paul, cette parole désigne Jésus-Christ ; mais, par prudence, Pierre ne le dit pas manifestement. (Rom. 10,13)
Et maintenant, si nous revenons sur ses premières paroles, nous observerons qu’il s’est élevé avec force contre ses critiques et ses railleurs. « Apprenez ceci », leur a-t-il dit, « et prêtez l’oreille à mes paroles ». En s’adressant à eux, il leur avait dit : « Hommes de la Judée ». C’est-à-dire, selon moi, vous qui habitez dans la Judée. Mais voulez-vous connaître combien Pierre est aujourd’hui changé ? rappelons-nous ce passage de l’Évangile. « Une servante s’approcha de lui, disant : Et toi, tu étais avec Jésus de Nazareth. Mais il répondit : Je ne connais point cet homme. Et, interrogé de nouveau, il commença à faire des serments et des imprécations ». (Mt. 26,69, 72)
2. Admirez aussi l’assurance et la noble franchise de sa parole. Il ne loue point ceux de ses auditeurs qui avaient dit : « Nous les entendons parler en notre langue des grandeurs du Dieu » ; et il se borne à exciter davantage leur zèle par la sévérité dont il use envers ses détracteurs. Ainsi son langage ne laisse apercevoir aucune trace de flatterie, et une remarque qui se justifie toujours, c’est que son discours, quoique rempli d’une extrême bienveillance, présenté le rare mérite d’éviter également l’adulation et l’injure. Ce n’est pas non plus sans une profonde raison que le prodige de la Pentecôte s’effectua à la troisième heure du jour, car à ce moment le soleil brille, les plaisirs de la table ne nous retiennent plus, et les charmes du jour et de la conversation attirent tous les hommes sur la place publique.
Au reste, le langage de Pierre respire une noble franchise. « Prêtez l’oreille à mes paroles ». Et aussitôt, sans rien dire de lui-même, il ajoute : « Ceci est ce qui a été dit par le prophète Joël, dans les derniers temps ». Il indique ainsi, par cette expression un peu emphatique, que la réalisation des menaces divines est peu éloignée, et, pour ne point paraître la fixer à la seconde génération, il ajoute : « Et vos vieillards auront des songes ». Voyez l’admirable enchaînement de ses paroles. D’abord il a nommé les fils, à l’exemple de David qui a dit : « A la place de vos pères, il vous est né des enfants ». (Ps. 44,17) Et Malachie dit également : « Il ramènera le cœur des pères à leurs enfants ». (Mal. 4,6)
« Je répandrai de mon Esprit sur mes serviteurs et sur mes servantes ». Ces paroles nous révèlent toute la force de cet Esprit divin qui, en nous délivrant du péché, nous attache à son service. Eh ! quelle n’est pas l’excellence de ce don qui se communique même au sexe le plus faible, dans une large proportion, et noir à quelques individus seulement, comme autrefois à Débora et Holda. Mais observez que Pierre évite de dire que cet Esprit dont parle le prophète est l’Esprit-Saint, et qu’il néglige ainsi d’expliquer les termes de la prophétie. Il se contente de la citer, parce que cette citation suffit à son but. Il se tait également sur Judas, dont tout le monde connaissait la triste fin, et il pense avec raison, qu’à l’égard des Juifs, l’autorité du prophète Joël est l’argument le plus péremptoire. Et, en effet, aux yeux des Juifs, les prophéties l’emportaient sur les miracles. Aussi les voyons-nous contredire ceux de Jésus-Christ, et se taire quand il leur allègue une prophétie. Un jour il leur dit : « Le Seigneur a dit à mon Seigneur, asseyez-vous à ma droite » (Ps. 109,1 ; Mt. 22,42) ; et ils furent si confus qu’ils n’osèrent plus répondre. C’est pourquoi, et il est facile de le vérifier, le Sauveur ne négligeait aucune occasion de leur citer les saintes Écritures, comme lorsqu’il leur dit : « L’Écriture appelle dieux ceux auxquels la parole de Dieu est adressée ». (Jn. 10,35) C’est donc à l’exemple de son divin Maître que Pierre cite cette prophétie : « Je répandrai de mon Esprit sur toute chair », c’est-