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étonnée ». Voyez la piété des apôtres : ils ne se hâtent pas, de parler et hésitent à rompre le silence. Les méchants, au contraire, s’écrient soudain : « Ces gens sont pleins de vin nouveau ». La loi ordonnait aux Juifs de se présenter au temple trois fois chaque année, et c’est pourquoi des hommes religieux de toutes les nations demeuraient à Jérusalem. Cette circonstance prouve combien l’auteur du livre des Actes cherche peu à flatter les Juifs. Et, en effet, il ne dit point qu’ils se soient exprimés en belles paroles, et il se contente d’écrire : « Ce bruit s’étant répandu, une grande multitude s’assembla et fut tout étonnée ».
Au reste, cet étonnement était tout naturel, car les Juifs croyaient que par la mort de Jésus-Christ tout était fini. Cependant leur conscience se troublait à la vue de ce sang dont leurs mains étaient encore toutes dégoûtantes, aussi s’effrayaient-ils de tout : « Est-ce », disent-ils, « que tous ceux qui parlent ne sont pas Galiléens ? » Eh oui ! les apôtres étaient véritablement de la Galilée, et ils ne s’en cachaient pas. D’ailleurs le bruit de ce vent impétueux avait tellement saisi les esprits, qu’une grande multitude dé toutes les nations du monde s’était rassemblée. Quant aux apôtres, ils puisaient une nouvelle assurance dans ce fait, qu’ignorant l’idiome persan, ils apprenaient des Perses eux-mêmes qu’ils le parlaient. Saint Luc cite ici en particulier des peuples ennemis des Juifs pour annoncer que les apôtres devaient les soumettre au joug de l’Évangile.
3. Mais comme les Juifs étaient, à cette époque, dispersés au milieu des nations, il est vraisemblable que plusieurs gentils se trouvaient alors à Jérusalem, car la connaissance de la loi avait été répandue parmi eux. Ils étaient donc présents en grand nombre, et pouvaient rendre témoignage de ce qu’ils avaient entendu. Ainsi tous s’accordaient pour attester unanimement le prodige, les indigènes, les étrangers et les prosélytes. « Nous les entendons », disent-ils, « parler en notre langue des grandeurs de Dieu ». C’est que la parole des apôtres n’était point une parole vulgaire, mais un langage sublime. C’est pourquoi ils hésitaient d’abord, car jamais semblable prodige ne s’était vu. Observez aussi parmi cette foule la probité des uns ; ils s’étonnent, et expriment leur étonnement par cette exclamation : « Que veut dire ceci ? Mais d’autres disaient en se moquant : Ils sont pleins de vin nouveau ». O impudence ! Et toute s n’en soyons pas surpris, puisqu’ils ont bien dit que le Sauveur qui chassait les démons, était lui-même possédé du démon. (Jn. 8,48) Ici comme toujours, l’intempérance de la langue ne cherche qu’à se répandre, et peu lui, importe qu’elle déraisonne ; pourvu qu’elle parle.
« Ils sont pleins de vin nouveau » ; oui, c’est par l’effet d’une ivresse toute céleste que des hommes exposés à mille dangers, craignant la mort et plongés dans une profonde tristesse, osent tenir un tel langage. Au reste, il n’est pas inutile d’observer que ce reproche était si peu vraisemblable, que son énonciation seule prouvait « eux-mêmes étaient troublés par les fumées du vin. Ils expliquaient donc la conduite et le langage des apôtres, en disant : « Ils sont pleins de vin nouveau. Mais Pierre, se tenant debout avec les onze, éleva la voix et dit » : Vous avez admiré son esprit de sagesse dans l’élection de Matthias, admirez ici son courage. Et en effet, au milieu de cette stupeur et de cet étonnement général, ce n’était pas un prodige `moins surprenant qu’un homme simple et ignorant osât parler devant une aussi grande multitude. Car si quelquefois on se trouble dans un cercle d’amis, Pierre ne devait-il pas être tout interdit en s’adressant à des ennemis qui ne respiraient que le sang et le meurtre ? D’ailleurs, le son seul de sa voix prouva que ni loi, ni ses collègues n’étaient ivres, et fit connaître qu’ils n’étaient point, comme les prêtres des idoles, agités de transports furieux, ou dominés par quelque violence extérieure. Que signifie cette parole : « avec les onze ? » Elle marque que tous avaient également reçu le don des langues, et que tous parlaient par là bouche de Pierre. C’est pourquoi les onze l’entourent, confirmant sa parole par leur témoignage. « Il éleva donc la voix et dit » : c’est-à-dire, qu’il s’exprima avec une rare intrépidité.
Or, Pierre n’agissait ainsi que pour faire comprendre aux Juifs quels miracles venait de produire la grâce de l’Esprit-Saint. Et en effet, ce même homme, qui avait tremblé à la voix d’une servante, parle hardiment au milieu d’un peuple nombreux qui ne respire que le sang et le meurtre. Mais il fallait qu’il fût bien assuré de la résurrection de Jésus-Christ, pour qu’il en parlât avec une pleine assurance à des gens qui ne savaient que rire et se moquer.