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marquait, la plénitude de la grâce et la véhémence du zèle. Ce n’est pas ainsi que ce même Esprit se communiquait aux prophètes, et il le faisait d’une manière moins solennelle. Le Seigneur présenta un livre à Ézéchiel ; et il lui dit : Dévore ce livre qui contient ce que tu devras dire. « Et je dévorai le livre », dit le prophète, « et il fut dans ma bouche comme le miel le plus doux ». (Ez. 3,3) À l’égard de Jérémie, c’est la main du Seigneur qui toucha ses lèvres. (Jer. 1,9) Mais ici l’Esprit-Saint paraît en personne, et se montre ainsi égal en gloire au Père et au Fils.
Ézéchiel dit encore : « Je vis un livre qui contenait des plaintes lugubres, des malédictions et des calamités ». (Ez. 2,9) La tradition de ce livre lui fut une preuve suffisante de l’inspiration divine : et, en effet, il avait besoin d’en être averti par quelque signe ; mais, du reste, il n’était envoyé qu’à une seule nation, et à ses concitoyens. Les apôtres, au contraire, devaient se répandre dans le monde entier, et parmi des peuples inconnus. Le manteau d’Élie fut pour Élisée le gage des dons de prophétie et de miracles, David reçut avec l’onction sainte celui de l’inspiration divine, et du milieu du buisson ardent le Seigneur confia à Moïse la mission de délivrer. Israël. Mais ici se révèle un ordre de choses tout nouveau, le feu lui-même s’arrête sur chacun des disciples. Eh ! pourquoi ce feu ne parut-il pas embraser toute la maison ? Parce que tous en eussent été effrayés. Au reste, c’est ce qui eut effectivement lieu, car il faut faire plus attention à ce globe de feu qui parut alors, qu’« à ces langues qui se partagèrent ». Eh ! combien devait être immense le foyer d’un aussi vaste incendie ! Saint Luc dit aussi avec raison que les langues « se partagèrent », parce qu’elles partaient toutes d’un même tronc, et qu’elles recevaient leur force et leur énergie du divin Paraclet.
Observez encore qu’alors pour la première fois fut manifestée la sainteté des apôtres ; aussi, reçurent-ils l’Esprit-Saint. Nous voyons également que David ne se montra pas moins fidèle au Seigneur après qu’il eut triomphé de ses ennemis, qu’il ne l’avait été lorsqu’il gardait les troupeaux ; que Moïse, qui avait méprisé les palais des rois, prit en mains, après quarante ans, la conduite du peuple hébreu ; que Samuel, élevé dans le temple, devint juge en Israël, et qu’Élisée et Ézéchiel, qui avaient tout quitté, reçurent le don de prophétie. La suite des faits prouve qu’il en avait été ainsi des apôtres, et qu’ils avaient eux-mêmes tout abandonné. C’est pourquoi l’Esprit-Saint vint en eux, parce qu’ils avaient fait preuve de vertu et de générosité. Ils avaient appris par leur propre expérience à connaître la faiblesse de l’homme, mais ils apprirent alors quel est le mérite de la pauvreté volontaire.
Saül reçut l’Esprit-Saint lorsque Samuel lui rendit témoignage qu’il était homme de bien. Mais personne ne l’a jamais reçu de la même manière que les disciples, pas même Moïse, le plus grand de tous les prophètes. Et en effet, il perdit quelque chose de sa plénitude, lorsque son esprit se reposa sur Josué. Ici rien de semblable. Vous allumez à un brasier autant de lampes que, vous voulez, sans diminuer son volume ; et c’est ce qui arriva aux apôtres. Au reste, ce feu montrait moins l’abondance de la grâce qu’il ne signifiait la source même de l’Esprit-Saint où ils puisaient, et on peut y trouver un rapport réel avec cette parole du Sauveur : « Je donnerai à celui qui croira en moi, je lui donnerai une fontaine d’eau jaillissante jusqu’à la vie éternelle ». (Jn. 4,14) Or, il était bien à propos que la plénitude de l’Esprit-Saint se répandît sur les apôtres, car ils ne devaient point disputer avec un Pharaon, mais combattre contre le démon. Leur empressement à accepter cette lutte n’est pas moins admirable ; ils ne s’autorisent point de l’exemple de Moïse pour dire que leur parole était lente et leur langue embarrassée, et ils n’allèguent point avec Jérémie leur inexpérience. Mais, quoiqu’ils aient entendu des prédictions plus effrayantes et plus élevées, ils n’osent se refuser à l’ordre du Seigneur. Nous pouvons donc en conclure qu’ils furent réellement des anges de lumière et les dispensateurs des vérités éternelles.
Jusqu’à ce jour les apôtres n’avaient été favorisés d’aucune vision céleste. Mais dès que l’homme-Dieu fut monté au plus haut des cieux, l’Esprit-Saint en descendit « pareil à un vent violent qui s’approche ». C’était déclarer aux apôtres que rien ne leur résisterait, et qu’ils disperseraient leurs ennemis comme une poussière légère. « Et il remplit toute la maison ». Cette maison figurait l’univers entier. « Et il s’arrêta sur chacun d’eux, et une grande multitude s’assembla et fut tout