Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 8, 1865.djvu/554

Cette page n’a pas encore été corrigée

que parce qu’il avait bien voulu s’abaisser. Au reste, que le Seigneur n’apparut pas souvent à ses disciples, et qu’il ne demeurât pas avec eux comme avant sa mort et sa résurrection, l’évangéliste nous l’apprend par ces paroles : « Ce fut là la troisième fois que Jésus apparut à ses disciples, depuis qu’il fut ressuscité d’entre les morts (14) ». Et il leur ordonne d’apporter de ces poissons, qu’ils viennent de prendre, pour leur montrer que celui qu’ils voient n’est point un fantôme. Saint Jean ne dit pas qu’il mangea avec eux, mais saint Luc le dit ailleurs : « Et mangeant « avec eux ». (Act. 1,4) Mais comment ? Cela nous surpasse, et il ne nous appartient pas de l’expliquer : tout ce que nous pouvons dire, c’est que la manière dont le Seigneur a fait ces choses, est très-admirable ; et qu’il a mangé, non pour satisfaire un besoin naturel qu’il ne pouvait plus ressentir, mais pour prouver et confirmer sa résurrection par bonté et par condescendance.
3. Peut-être, mes frères, entendant ce récit, vos cœurs se sont-ils enflammés d’amour pour Jésus-Christ ? Peut-être vous êtes-vous écriés Heureux ceux qui étaient alors avec le Seigneur ; heureux encore ceux qui seront avec lui dans la résurrection générale ! N’épargnons donc rien pour voir un jour ce merveilleux visage. Si maintenant le seul récit de ces prodiges allume chez nous un si grand feu, et cet ardent désir d’avoir été au monde, lorsqu’il était lui-même sur la terre, d’avoir entendu sa voix, vu son visage, d’avoir approché de lui, de l’avoir touché, de l’avoir servi ; pensez, considérez ce que c’est que de le voir, non plus dans un corps mortel et faisant des choses humaines, mais environné de ses anges, mais dans un corps immortel, immortels nous-mêmes ; et de jouir de ce bonheur, de cette gloire qui surpasse toutes nos paroles et toute notre intelligence. C’est pourquoi, je vous en conjure, mes chers frères, n’oublions, n’omettons rien pour nous procurer cette gloire.
Il n’est rien en cela de difficile, si nous le voulons bien ; il n’est rien de pénible, si nous sommes vigilants et actifs. « Si nous souffrons avec lui », dit l’apôtre, « nous régnerons aussi avec lui ». (2Tim. 2,12) Que veut dire saint Paul : « Si nous souffrons ? » C’est comme s’il disait : Si nous souffrons les afflictions et les persécutions, si nous marchons dans la voie étroite. Véritablement la voie étroite est de sa nature une voie pénible, mais la bonne volonté, mais l’espérance des biens futurs la rendent plus douce et plus aisée. « Car le moment si court et si léger des afflictions que nous souffrons en cette vie, produit en nous le poids éternel d’une souveraine et incomparable gloire ; tandis que nous ne considérons point les choses visibles, mais les invisibles ». (2Cor. 4,17, 18) Levons donc nos yeux de la terre vers le ciel, et regardons, contemplons continuellement les choses célestes. Si nous établissons là-haut notre demeure, nous n’aurons aucun goût pour les délices de cette vie ; nous souffrirons avec joie les peines et les afflictions, et même nous en rirons, comme de toutes les choses semblables. Si nos désirs tendent de ce côté-là, si nos regards se tournent vers cet aimable objet, rien ne pourra ou nous abattre et nous asservir, ou nous élever et nous enfler le cœur. Et que dis-je ? nous ne nous affligerons pas des maux de cette vie, nous ne croirons même pas les voir et les sentir. En effet, tel est l’amour : il nous rend continuellement présents ceux de nos amis qui sont absents ; son empire est si grand, qu’il nous sépare de tout, et qu’il nous attache étroitement à l’objet que nous aimons.
Ah ! si nous aimions de même Jésus-Christ, tout nous paraîtrait ici-bas une ombre, une vision, et un songe. Nous dirions aussi avec l’apôtre : « Qui nous séparera de l’amour de Jésus-Christ ? Sera-ce l’affliction ou les déplaisirs ? » Saint Paul n’a point dit : Sera-ce l’argent, ou les richesses, ou la beauté ; car ces choses sont très viles et très ridicules ? Mais il a proposé ce qui paraît le plus redoutable : la faim, les persécutions, la mort. (Rom. 8,35) Et néanmoins le saint apôtre a méprisé toutes ces choses comme un rien ; mais nous, pour un peu d’argent, nous nous séparons de notre vie et de notre lumière. Et certes, ni la mort, ni la vie, ni les choses présentes, ni les futures, ni quelque créature que ce fût, n’ont pu séparer saint Paul de Jésus-Christ. Mais nous, si nous voyons une peu d’or, nous courons ardemment après, et nous foulons aux pieds les commandements du Seigneur.
Que si le seul récit de ces choses est insupportable, ne pas tenir la conduite opposée est chose bien plus insupportable encore : car le