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et comble ses désirs, lui faisant connaître qu’il était présent lorsqu’il avait dit ces choses aux disciples : car il se sert des mêmes paroles, comme pour lui faire une vive et forte réprimande, et l’instruire en même temps pour l’avenir ; il lui dit : « Portez ici votre doigt, et considérez mes mains, et mettez votre main dans mon côté » ; et il ajoute : « Et ne soyez plus incrédule, mais fidèle (27) ». Ne voyez-vous pas que Thomas doutait par incrédulité ? Mais c’était avant que les disciples eussent reçu le Saint-Esprit ; après, ils ne furent plus incrédules, ils furent parfaits. Jésus-Christ ne reprit pas Thomas seulement par ces paroles, mais encore par les suivantes. Thomas, aussitôt qu’il eut été éclairci de ses doutes, revint, et croyant, il s’écria : « Mon Seigneur et mon Dieu (28) ! » Et Jésus lui dit : « Vous avez cru, Thomas, parce que vous avez vu : Heureux ceux qui, sans avoir vu, ont cru (29) ! » C’est le propre de la foi de croire les choses mêmes que l’on n’a point vues. « La foi est le fondement des choses que l’on doit espérer, et une pleine conviction de celles qu’on ne voit point ». (Heb. 11,1) Au reste, le Sauveur ne déclare pas seulement ici les disciples heureux, mais encore ceux qui croiront dans la suite.

Cependant, direz-vous, les disciples ont vu avant de croire. – Oui, mais ils n’ont point cherché à voir et à toucher comme Thomas. Aussitôt qu’ils ont vu les linceuls et le suaire, sur ce témoignage ils ont reçu la doctrine de la résurrection ; et avant de voir Jésus-Christ ressuscité, ils ont montré une foi pleine et entière. S’il vous vient donc dans l’esprit de dire : je voudrais avoir été en ce temps, je voudrais voir Jésus-Christ opérer des miracles, rappelez-vous alors cette parole. « Heureux ceux qui sans avoir vu ont cru ». Il est maintenant à propos d’examiner comment un corps incorruptible a retenu les cicatrices des clous, et a pu être touché de la main d’un homme : cela ne doit point vous ébranler, Jésus-Christ le voulut ainsi par condescendance. Ce corps, qui était si subtil et si léger, qu’il entra dans la salle où étaient les apôtres, les portes étant fermées, n’avait rien de grossier. Mais le Sauveur se montra sous cet aspect, afin de persuader sa résurrection à ses apôtres, et de leur faire connaître qu’il avait été véritablement crucifié, qu’un autre n’était pas ressuscité pour lui. Voilà pourquoi il ressuscita, portant sur son corps les marques de la croix, et c’est encore pour cette raison qu’il mangea. Car les apôtres faisaient souvent valoir cette preuve dans les prédications, disant : « Il s’est montré à nous, qui avons mangé et bu avec lui ». (Act. 10,41) De même donc que, quand nous le voyons avant sa mort marcher sur les flots, nous ne disons pas que son corps est d’une autre nature que le nôtre ; ainsi, le voyant après sa résurrection avec les cicatrices de ses plaies, nous ne dirons pas pour cela que son corps soit corruptible. Le Sauveur ne fait paraître ces cicatrices que pour guérir la maladie de son disciple.

2. « Jésus a fait beaucoup d’autres miracles (3) ». Saint Jean qui raconte moins de miracles que les autres évangélistes, déclare aussi que ceux-ci mêmes ne les ont pas tous rapportés ; mais seulement autant qu’il était nécessaire pour attirer les auditeurs à la foi. « Car », dit-il, « si l’on rapportait tout en détail, je ne crois pas que le monde même pût contenir les livres qu’on en écrirait ». (Jn. 21,25) Par où l’on voit évidemment que les évangélistes n’ont pas écrit ces faits par vanité, par ostentation, mais uniquement pour notre avantage et notre utilité. En effet, comment des écrivains qui ont omis beaucoup de choses, auraient-ils rapporté celles-ci par ostentation ?

Pourquoi les évangélistes n’ont-ils pas tout rapporté en détail ? C’est principalement à cause du grand nombre des choses qu’il y aurait eu à raconter ; et encore, parce qu’ils pensaient bien que celui qui ne croirait pas ce qu’ils rapportaient de Jésus, ne croirait pas non plus, quand bien même ils en diraient davantage ; enfin, que celui qui croirait à ces faits n’aurait plus besoin d’autrui pour croire. Mais il me semble que l’évangéliste parle ici des miracles que le Seigneur fit après sa résurrection, puisqu’il ajoute : « À la vue de ses disciples ». Comme avant la résurrection il était nécessaire que Jésus-Christ fit bien des œuvres et des miracles, afin qu’ils crussent qu’il était Fils de Dieu, il a fallu de même qu’il en fît beaucoup après, afin qu’ils fussent pleinement persuadés qu’il était ressuscité. C’est pour cette raison que l’historien sacré a ajouté : « À la vue de ses disciples ». En effet, le Seigneur séjourna seul avec eux après sa résurrection. Voilà aussi pourquoi le Sauveur disait : « Le monde ne me verra plus ». (Jn. 14,19)