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ayant allumé dans leur cœur le désir de le voir, lorsqu’ils brûlaient de ce désir, que la crainte des Juifs augmentait encore, alors il leur apparut sur le soir et d’une manière merveilleuse et admirable (19).

Et pourquoi leur apparut-il sur le soir ? Parce qu’il était apparent qu’alors leur crainte avait redoublé et qu’ils étaient dans une terrible frayeur. Mais ce qui est étonnant, c’est qu’ils ne l’aient pas pris pour un fantôme ; car il entra, les portes étant fermées et tout à coup ; mais sûrement Marie les avait prévenus et leur avait inspiré une grande foi ; de plus, il se montra à eux avec un visage brillant et plein de douceur. Il ne vint pas de jour, afin qu’ils fussent tous assemblés ; car ils étaient dans un grand étonnement et dans un grand effroi. Il ne frappa point à la porte, mais tout à coup il parut au milieu d’eux et il leur montra son flanc et ses mains, et en même temps il calma par sa voix les pensées tumultueuses qui les agitaient, leur disant : « La paix soit avec vous (19) », c’est-à-dire : Ne vous troublez point ; et il leur rappelle ces paroles qu’il leur avait dites avant d’aller à la croix : « Je vous laisse la paix » (Jn. 14,27) ; et encore : « Ayez la paix en moi, vous aurez à souffrir bien des afflictions dans le monde ». (Jn. 16,33)

« Les disciples eurent donc une grande joie de voir le Seigneur (20) ». Ne remarquez-vous pas, mes frères, que le Seigneur confirme sa parole par ses œuvres ? Car ce qu’il a prédit à ses disciples avant d’aller à la croix, avant sa mort : « Je vous verrai de nouveau, et votre cœur se réjouira, et personne ne vous ravira votre joie » (Jn. 16,22), il le réalise maintenant. Au reste, toutes ces choses servirent beaucoup à leur inspirer une foi ferme et constante. Comme les Juifs leur devaient faire une guerre implacable, le Sauveur leur répète souvent : « La paix soit avec vous », leur donnant par là une consolation proportionnée à la guerre et aux combats qu’ils auraient à soutenir.

3. Telle est la première parole que le Seigneur a dite à ses disciples après sa résurrection. Voilà pourquoi saint Paul fait ce souhait, aux fidèles dans ses épîtres : « Que Dieu notre Père et Jésus-Christ Notre-Seigneur, vous donnent la grâce et la paix ». Mais aux femmes, Jésus-Christ leur promet la joie, parce qu’elles étaient plongées dans la tristesse, et aussi elles ont eu les premières la joie et la consolation de le voir. C’est donc à propos et avec raison que le divin Sauveur annonce la paix aux hommes, parce qu’on leur devait déclarer la guerre ; et la joie aux femmes, parce qu’elles étaient dans la douleur et dans la tristesse ; et qu’ayant dissipé tout sujet de tristesse, il fait connaître les fruits de la croix, à savoir : la paix. Après donc qu’il a levé tous les obstacles, remporté son éclatante victoire, et tout consommé, il dit : « Comme mon Père m’a envoyé, je vous envoie aussi de même (21) ». N’ayez aucun doute, ni sur ce qui s’est passé, ni sur le caractère de celui qui vous envoie. Ici, il relève leur cœur et leur courage et leur inspire une grande confiance, afin qu’ils se portent courageusement à entreprendre son œuvre ; il ne prie plus son Père, mais il leur donne de sa propre autorité la vertu et la puissance d’agir. Car « il souffla sur eux, et leur dit : Recevez le Saint-Esprit (22). Les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, et ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez ». De même qu’un roi qui envoie ses lieutenants et ses généraux, leur donne le pouvoir d’emprisonner et d’élargir les criminels, ainsi Jésus-Christ, envoyant ses apôtres, leur donne la même autorité et la même puissance.

Comment donc Jésus-Christ, après avoir dit : « Si je ne m’en vais point, le Saint-Esprit ne « viendra point à vous » (Jn. 16,7), maintenant donne-t-il le Saint-Esprit ? Quelques-uns répondent qu’il n’avait point donné le Saint-Esprit, et que, soufflant sur eux, il les avait seulement préparés à le recevoir. Si l’apparition d’un ange frappa Daniel et le fit tomber le visage contre terre (Dan. 8,17), que ne serait-il pas arrivé aux apôtres, recevant un don si ineffable sans que le Sauveur les y eût auparavant préparés, eux qui n’étaient encore que des disciples ? C’est pourquoi il n’a point dit : Vous avez reçu, mais : « Recevez le Saint-Esprit ». Néanmoins ce ne serait pas une erreur de dire qu’ils reçurent alors une certaine puissance spirituelle et une grâce ; une grâce, non assez puissante, à la vérité, pour ressusciter les morts et opérer des miracles ; mais capable de remettre les péchés ; car il y a des différences entre les dons du Saint-Esprit, c’est pourquoi le Seigneur ajoute : « Les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez », leur faisant connaître la nature