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mères. Comme nous ne devons même pas connaître nos pères et nos mères, lorsqu’ils nous nuisent dans les choses spirituelles, et nous empêchent d’avancer dans la vertu ; de même, lorsqu’ils n’y mettent aucun obstacle, il faut leur rendre tous nos devoirs et les préférer à toute autre personne, parce qu’ils nous ont donné la vie, qu’ils nous ont élevés, et qu’ils ont souffert pour nous bien des peines et des incommodités. Par ce soin et cette recommandation, Jésus-Christ réprime l’impudence de Marcion[1]: S’il n’était pas né de Marie selon la chair, si elle n’était pas sa mère, pourquoi a-t-il eu un si grand soin d’elle seule
« Après cela, Jésus sachant que toutes choses étaient accomplies (28) » ; C’est-à-dire, qu’il ne manquait rien à la dispensation de l’Incarnation, le Sauveur prenait grand soin de faire connaître, par tout ce qu’il faisait et ce qu’il disait, que sa mort était une mort tonte nouvelle. En effet, celui qui mourait tenait tout en son pouvoir, et la mort n’est advenue à son corps que lorsqu’il l’a voulu ; or, il l’a voulu, lorsqu’il a accompli toutes choses. C’est pour cela qu’il avait dit : « J’ai le pouvoir de quitter la vie, et j’ai le pouvoir de la reprendre » (Jn. 10,18) « Jésus, sachant donc que toutes choses étaient accomplies, dit : J’ai soif ». En quoi il accomplit encore une prophétie.
Pour vous, considérez, je vous prie, mes frères, la barbarie et la scélératesse de ceux qui sont autour de Jésus. Nous, quelque grand nombre d’ennemis que nous ayons, quelques outrages et quelques maux qu’ils nous aient fait subir, si nous voyons qu’on les fasse mourir, nous les plaignons et nous les pleurons ; mais ces misérables, rien n’a pu les fléchir : les douleurs, les tourments qu’endure Jésus ne les ont point attendris ; au contraire, toujours plus cruels, plus furieux, ils inventent de nouvelles moqueries, ils emplissent une éponge de vinaigre et la lui présentent à la bouche ; ils lui donnent à boire, comme on le faisait pour ceux qui étaient condamnés à mort, car c’est pour cela qu’ils lui présentent ce bâton d’hysope.
« Jésus ayant donc pris le vinaigre, dit : « Tout est accompli ». Vous le voyez, mes frères, Jésus, sans se troubler, sans s’émouvoir, fait tout avec autorité, ce qui suit le montre évidemment : « Car toutes choses étant accomplies, baissant la tête » (car il n’y avait point de clous qui la retinssent), « il rendit l’esprit », c’est-à-dire, il expira. Cependant, ce n’est pas après qu’on a baissé la tête qu’on expire ; mais ici, c’est tout le contraire : Jésus n’a pas baissé la tête après avoir expiré, comme cela se voit généralement ; mais après avoir baissé la tête, il a expiré. Par toutes ces circonstances, l’évangéliste montre que ce crucifié était le Seigneur et le Maître de l’univers.
3. Mais les Juifs qui filtraient un moucheron et qui avalaient un chameau (Mt. 23,24), ces Juifs qui n’ont pas craint de commettre un sacrilège si énorme, sont inquiets sur la fête, et se consultent sur ce qu’ils feront, pour n’en pas violer la sainteté. « Or, de peur que les corps ne demeurassent à la croix le jour du sabbat, parce que c’en était la veille et la préparation, les Juifs prièrent Pilate qu’on leur rompit les jambes (31) ». Remarquez-vous combien la vérité est forte et puissante ? Le soin et la précaution des Juifs servent à l’accomplissement de la prophétie, et une autre prédiction s’accomplit aussi. « Car il vint des soldats qui rompirent les jambes des autres (32) », mais celles de Jésus, ils ne les rompirent pas (33). Cependant ces mêmes soldats, par complaisance pour les Juifs, ouvrirent son côté avec une lance (34), et ne craignirent point d’outrager jusqu’à son cadavre. O action infâme et exécrable ! Mais, mes chers frères, ne vous troublez point, ne vous abattez point. Ce que viennent de faire les Juifs, par une mauvaise intention et une horrible méchanceté, établit et confirme la vérité de la prophétie, qui disait : « Ils verront celui qu’ils ont percé (37, et Zac. 12,10) ». Et cette action impie a servi non seulement à l’accomplissement de la prophétie, mais encore à prouver dans la suite aux incrédules, comme à Thomas et à d’autres, la vérité du crucifiement et de la résurrection de Jésus. De plus encore, par là s’accomplit un grand et ineffable mystère : car « il en sortit du sang et de l’eau (34) ». Ce n’est point sans sujet ou par hasard que ces deux sources ont coulé de l’ouverture du sacré côté du Sauveur : c’est d’elles que l’Église a été formée. Ceux qui

  1. Sur ces paroles de Jésus-Christ : « Femme, qu’y a-t-il de commun entre vous et moi ? Marcion, les Montanistes, les Manichéens, les Valentiniens, et leurs sectateurs, soutenaient que la sainte Vierge n’était pas la mère de Jésus-Christ, et qu’il ne s’était pas véritablement incarné ; mais que tout ne s’était fait qu’en apparence, etc.