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ses vêtements, interroge les autres, et leur dit : « Que vous en semble ? Ils répondirent : Il a « mérité la mort. (66) ». Il ne veut pas prononcer de lui-même l’arrêt de mort contre Jésus-Christ, mais il veut adroitement le faire prononcer par les autres, en essayant de leur montrer qu’il était manifestement coupable, et qu’il était tombé dans un blasphème visible. Il ne doutait pas que si l’on examinait l’affaire à fond, et dans les formes ordinaires de la justice, son innocence ne fût bientôt reconnue. C’est pourquoi il veut qu’il soit condamné entre eux, et il prévient même leur jugement, en disant : « Vous avez vous-mêmes ouï le blasphème qu’il a dit » : Il veut les presser, et arracher d’eux ce cruel arrêt qu’il en attendait. Et, en effet, ils répondent tous : « Il est coupable de mort ». Ainsi, ils étaient eux-mêmes les accusateurs, les témoins, les examinateurs et les juges : eux seuls tenaient lieu de tout.
Mais comment ne s’avisaient-ils pas ici de l’accuser d’avoir violé le sabbat ? C’est parce qu’il leur avait fermé la bouche une infinité de fois sur ce sujet, outre qu’ils voulaient le condamner sur ce qu’il leur disait à l’heure même qu’on lui faisait son procès. Le pontife anime tous les esprits en déchirant ses vêtements, li excite leur colère et leur animosité, et quand il a réuni tous les suffrages contre ce prétendu coupable, il le renvoie à Pilate, comme ayant été condamné légitimement. Tant il est vrai qu’ils n’oubliaient rien pour colorer leur injustice, et pour mêler l’adresse à la violence. Lorsqu’ils sont au contraire devant Pilate, ils ne disent rien de semblable « Si ce n’était un méchant homme s, disent-ils, « nous ne vous l’aurions pas livré » : voulant ainsi le faire punir comme s’il était coupable de crimes publics et scandaleux.
Mais pourquoi ne le faisaient-ils pas plutôt assassiner en secret que de chercher tant de détours pour le perdre ? C’est parce qu’ils voulaient le, décrier publiquement, et noircir éternellement sa mémoire. Et comme tout le peuple le révérait extraordinairement, et qu’il avait été ravi d’admiration par sa doctrine et par ses miracles, ces implacables ennemis voulaient qu’il mourût comme un criminel pour lui faire perdre en même temps l’honneur et la vie. Jésus-Christ ne s’opposa point à leur dessein, et il se servit au contraire de leur malice pour établir la vérité de sa mort. Car sa passion et sa croix étant devenues manifestes à tout le monde, il en a tiré un autre effet que celui auquel ils s’étaient attendus. Ils voulurent le faire mourir publiquement pour le couvrir d’infamie ; il a rendu au contraire sa mort le principe de sa gloire. Et comme après avoir dit : « Tuons-le, de peur que les Romains ne viennent et ne détruisent notre ville »(Jn. 2,48), ils l’ont tué, et leur ville a été détruite : ainsi, après l’avoir crucifié pour le déshonorer, sa croix n’a servi qu’à le faire adorer dans toute la terre.
Pilate leur déclare qu’ils avaient la puissance de faire mourir Jésus-Christ par eux-mêmes : « Prenez-le, vous autres », dit-il, « et jugez-le selon votre loi ». (Jn. 18,31) Mais ils voulaient qu’il mourût comme tin méchant, comme un criminel d’État, comme un tyran et un usurpateur, et comme un factieux et un rebelle. Ils veulent rendre sa mort la plus honteuse qu’ils peuvent. Ils affectent de le mettre entre deux voleurs. Ils disent à Pilate : « N’écrivez point qu’il est le roi des Juifs ; mais qu’il a dit qu’il était le roi des Juifs ». Tout cela se fit pour prouver mieux la vérité de sa mort, de sorte qu’il ne reste plus aux Juifs la moindre excuse ni le moindre prétexte pour se couvrir. Cette garde même si soigneuse du sépulcre, et ces sceaux qu’ils y firent mettre, n’étaient-ils pas une preuve suffisante pour faire paraître la vérité avec éclat ? Ne font-ils pas aussi le même effet par leurs outrages et par leurs insultes ? Tant il est vrai que rien n’est plus faible que l’imposture, qu’en voulant s’établir elle se détruit, et qu’elle se perd par ses propres armes. C’est ce qui est arrivé aux Juifs. Ils croyaient avoir vaincu Jésus-Christ, et ils n’ont trouvé après sa mort que leur malheur, leur ruine, et une éternelle confusion. Jésus-Christ, au contraire, paraîtra vainqueur, et sa croix est devenue le trophée de son innocence, la marque de son pouvoir et la source de sa gloire.
Ne cherchons donc point, mes frères, à vaincre toujours, et ne craignons point quelquefois d’être obligés de céder. Il y a des rencontres dans lesquelles il est dangereux d’avoir l’avantage, il y en a d’autres tians lesquelles il est même utile d’être vaincu. Celui qui, dans un transport de colère, outrage impitoyable ment un homme, paraît alors avoir le dessus, mais c’est en effet lui-même qui est vaincu t par sa propre passion, et qui se blesse lui-