Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 8, 1865.djvu/536

Cette page n’a pas encore été corrigée

Quelle excuse aurons-nous donc, nous qui étant élevés dans le palais du roi, qui ayant le bonheur d’entrer dans son sanctuaire et de participer aux saints mystères, sommes pires que les gentils, qui n’ont reçu aucun de ces avantages ? Si les gentils par vaine gloire ont montré tant de philosophie, à combien plus forte raison est-il juste que nous nous exercions à toutes sortes de vertus, uniquement parce que cela est agréable à Dieu. Nous, nous ne méprisons même pas les richesses, mais eux, ils sont allés souvent jusqu’à mépriser leur vie ; dans la guerre, ils ont sacrifié leurs enfants à la folie des démons (2R. 3,27) ; et pour les démons, ils ont méprisé leur propre nature. Nous, au contraire, pour Jésus-Christ, nous ne méprisons pas même l’argent ; pour plaire à Dieu, nous n’apaisons pas notre colère ; au contraire, nous nous y abandonnons, et nous ne différons en rien de ceux qui ont la fièvre. De même que ceux qui sont attaqués de cette maladie, sont tout bouillants et pleins de feu ; nous aussi, comme si un feu violent nous dévorait, nous ne mettons jamais de fin à notre cupidité, nous attisons nous-mêmes le feu de notre colère et de notre avarice.
C’est pourquoi je rougis et je suis interdit, lorsque je vois que, parmi les gentils, il y a des gens qui méprisent les richesses, et que parmi nous, tous en sont épris jusqu’au délire. Et s’il se trouve quelqu’un parmi vous qui les méprise, il est possédé d’autres vices de la colère ou de l’envie ; c’est une chose très rare et très-difficile de trouver une véritable philosophie, une vertu bien épurée. Voici quelle en est la cause : nous ne nous attachons pas à chercher des remèdes dans les saintes Écritures, nous ne les lisons pas avec un esprit de componction, avec douleur, avec gémissement ; nous les lisons en passant et par manière d’acquit ; nous les lisons, si par hasard il nous reste un moment de loisir. C’est pourquoi un torrent d’affaires inondant tout, emporte le peu de fruit que nous avons ou recueillir. Si celui qui a reçu une blessure, et y applique des remèdes, ne bande point sa plaie avec soin ; si, laissant tomber l’appareil, il expose sa blessure à l’eau, à la poussière, au feu, et à une infinité d’autres influences délétères, sûrement il ne la guérira point ; et cela, non par l’impuissance du remède, mais par sa pure négligence. Voilà ce qui nous arrive aussi, lorsque, ne donnant que peu de temps, et qu’une légère attention aux divins oracles, nous nous livrons entièrement aux choses de ce monde. Ce sont en effet les sollicitudes de ce siècle qui étouffent la semence, et qui sont cause que nous ne recueillons aucun fruit de notre lecture.
De crainte donc qu’il ne nous arrive un semblable malheur, ne lisons pas légèrement les saintes Écritures. Levons les yeux au ciel, et abaissons-les ensuite, pour regarder les sépulcres et les tombeaux des morts. Un même sort nous attend, nous mourrons comme eux et peut-être avant le soir. Préparons-nous donc à ce voyage, nous avons besoin de grandes provisions ; dans ce pays-là il y a de grands feux, de grandes chaleurs, une vaste solitude ; nous n’y trouverons ni hôtellerie, ni marché, il faut tout apporter d’ici. Écoutez ce que disent les vierges sages : « Allez à ceux qui vendent » (Mt. 25,9), et les vierges folles y ayant été, ne trouvent rien. Écoutez ce que dit Abraham : « Il y a pour jamais un grand abîme entre nous et vous ». (Lc. 16,26) Écoutez ce qu’Ézéchiel raconte de ce jour : « Noé, Job, et Daniel ne délivreront ni leurs fils, ni leurs filles[1] ». (Ez. 14,14) Mais à Dieu ne plaise que nous nous entendions dire de semblables paroles ! fasse plutôt le ciel, qu’ayant fait les provisions nécessaires pour la vie éternelle, nous comparaissions sans crainte devant Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartiennent, ainsi qu’au Père et au Saint-Esprit, la gloire ; l’empire, l’honneur, maintenant et toujours, et dans tous les siècles des siècles ! Ainsi soit-il.

  1. Dieu veut marquer par là qu’il traitera chacun selon ses œuvres.