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point dit : puisqu’il est coupable et digne de mort, accordez-lui sa grâce en faveur de la fête ; mais d’abord il le purge de tout crime et le montre innocent ; et alors, par surcroît, il prie, il demande que s’ils ne le veulent pas renvoyer comme innocent, ils l’accordent du moins comme criminel à la fête qui le réclame ; c’est pourquoi il dit : « Comme c’est la coutume que je vous délivre un criminel à la fête de Pâques (39) » ; et après, comme suppliant pour lui, il ajoute : « Voulez-vous donc que je vous délivre le roi des Juifs ? alors ils se mirent à crier tous ensemble : « Nous ne voulons point celui-ci, mais Barabbas (40) ? » O sentiments, ô cœurs exécrables ! Ils délivrent ceux qui leur sont semblables par la dépravation et la corruption de leurs mœurs, ils délivrent les criminels, et ils demandent la mort de l’innocent, car depuis longtemps c’était là leur coutume.
Mais vous, mon cher frère, considérez la bonté du Seigneur. « Pilate le fit fouetter (1) », peut-être pour apaiser la fureur des Juifs et le délivrer ensuite. Comme effectivement partout ce qu’il avait fait jusqu’alors il n’avait pu le délivrer, il le fit fouetter, pour les toucher et arrêter le mal, et il permit tout le reste, savoir, que les soldats le revêtissent d’un manteau d’écarlate, et lui missent sur la tête une couronne d’épines (2, 3), pour calmer-1eur colère. Il le leur mena dehors, afin que, le voyant traité si outrageusement et si ignominieusement, ils répandissent toute leur bile et apaisassent leur fureur. Et comment les soldats se seraient-ils portés à tous ces excès et auraient-ils osé commettre toutes ces insolences, si le préteur ne lé leur avait ordonné pour complaire aux Juifs ? Que s’ils furent d’abord sans son ordre prendre Jésus de nuit, ce fut par complaisance pour les Juifs, et parce que l’argent qu’ils leur avaient donné était capable de leur faire tout entreprendre. Cependant lorsqu’on lui faisait tant et de si grands outrages, Jésus restait dans le silence, de même que lorsqu’on l’interrogeait et qu’il ne répondit rien.
Ne vous contentez pas, mes chers frères, d’écouter le triste récit de cette horrible tragédie ; mais ayez toujours présent à l’esprit tout ce qui s’y passa : et voyant le roi du monde et des anges, dont des soldats se moquent, et en actions et en paroles, souffrir tout sans se plaindre, sans dire un seul mot, sachez-le prendre pour modèle. Car lorsque Pilate eut dit : Voilà le roi des Juifs ! les soldats le revêtirent, par dérision, d’un manteau d’écarlate. Pilate, ensuite, l’amenant dehors, dit aux Juifs : « Je ne trouve en lui aucun crime (4) ». Jésus parut donc devant eux avec cette couronne sur la tête, et ce spectacle ne fut point capable d’apaiser leur colère, mais ils se mirent à crier:« Crucifiez-le ! crucifiez-le ! (6) » Voyant donc que tout ce qu’il faisait pour délivrer Jésus était inutile, Pilate dit : « Prenez-le vous-mêmes, et le crucifiez ». D’où il est visible que c’était uniquement pour céder à leur fureur qu’il avait permis tout ce qu’on avait fait auparavant : pour moi, dit-il : « Je ne trouve en lui aucun crime ».
2. Remarquez, mes frères, en combien de manières le juge justifie Jésus-Christ, et comme il s’attache à repousser les fausses accusations des Juifs ; mais rien ne put apaiser ces chiens furieux. Car, quand il leur dit : Prenez-le vous-mêmes et le crucifiez, c’est pour dégager sa responsabilité, et pour les pousser à faire ce qui ne leur était point permis. Ils menèrent donc Jésus au gouverneur, afin qu’après qu’il l’aurait jugé, ils le pussent crucifier : mais il arriva au contraire que, par la sentence du juge, il se trouva complètement absous. Sur quoi, se voyant couverts de honte, ils dirent : « Nous avons une loi, et, selon notre loi, il doit mourir, parce qu’il s’est fait Fils de Dieu (7) ». Pourquoi donc, le juge vous ayant dit : « Prenez-le vous-mêmes, et le jugez selon votre loi », avez-vous répondu : Il ne « nous est pas permis de faire mourir personne ? » (Jn. 18,31) ; et maintenant, vous vous appuyez de votre loi, et vous prétendez que selon votre loi il doit mourir ?
Mais considérez leur accusation : « Il s’est fait Fils de Dieu ». Dites-moi, je vous prie Est-ce là un sujet d’accusation ? est-ce un crime que celui qui fait les œuvres du Fils de Dieu se dise Fils de Dieu ? Que fait donc Jésus-Christ ? Comme ils parlaient ensemble de ce chef d’accusation, il gardait le silence, accomplissant cette parole du prophète : « Il n’ouvrira point la bouche, à cause de l’abaissement et de la douleur où il sera[1] ». (Is. 53,70) Pilate donc, sur cette accusation « de s’être fait Fils de Dieu (8) », eut peur que ce qu’on disait ne fût vrai, et qu’il

  1. J’ai traduit ce passage, partie de mon texte, partie sur celui des Septante.