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sont tombés entre les mains du Fils, ils sont devenus parfaits. Mais vous sentez bien le ridicule de ce discours. Que veut donc dire Jésus-Christ par ces paroles ? Il veut montrer que c’est la volonté du Père même qu’ils croient au Fils.
« Et ils ont gardé votre parole. Et ils savent présentement que tout ce que vous m’avez donné vient de vous (7) ». Comment ont-ils gardé votre parole ? En croyant en moi, et non pas aux Juifs. « Celui qui croit en lui », dit l’Écriture, « a attesté que Dieu est véritable ». (Jn. 3,33) Quelques-uns tournent et expliquent ainsi ce passage : je sais présentement que tout ce que vous m’avez donné vient de vous ; mais cette explication est contraire à la raison. Comment, en effet, le Fils aurait-il pu ignorer ce qui venait de son Père ? Ces paroles regardent les disciples. Aussitôt que j’ai dit ces choses, dit le Sauveur, mes disciples ont appris que tout ce que vous m’avez donné vient de vous. Je n’ai rien qui ne soit en même temps à vous, je n’ai rien de propre et de particulier. Car dire que l’on a quelque chose en propre et eu particulier, cela marque une possession distincte.
Mes disciples ont donc appris que ma doctrine et mes instructions viennent de vous. Et d’où l’ont-ils appris ? De mes paroles : voilà comment je les ai instruits, et non seulement je leur ai appris cela, mais encore que je suis sorti de vous. En effet, c’est là à quoi le Sauveur s’est le plus attaché dans tout son Évangile.
« C’est pour eux que je prie (9) ». Que dites-vous, Seigneur ? Vous instruisez votre Père comme s’il ignorait quelque chose ? Vous lui parlez comme à un homme qui ne sait point ? Que signifie donc cette différence que vous mettez là ? Ne voyez-vous pas, mes frères, que le Sauveur ne prie qu’afin de montrer à ses disciples l’amour qu’il a pour eux ? Car celui qui non seulement fait ce qu’il peut, mais qui invite encore un autre à faire de même, donne sûrement en cela un témoignage d’un plus grand amour. Que signifie donc cette parole : « Je prie pour eux ? » Je prie, dit-il, non pour tout le monde, mais pour ceux que vous m’avez donnés. Jésus-Christ emploie très-souvent ces termes : « Vous m’avez donnés », pour apprendre à ses disciples que telle est la volonté de son Père. Ensuite, comme il avait dit souvent. « Ils étaient à vous et vous me les avez donnés » ; pour effacer la mauvaise impression que cela pouvait faire sur leur esprit, et les empêcher (le croire que son empire sur eux fût tout nouveau, et qu’ils venaient seulement de lui être donnés, écoutons ce qu’il dit : « Tout ce qui est à moi est à vous, et tout ce qui est à vous est à moi, et j’ai été glorifié en eux (l0) ».
Dans ces paroles ne remarquez-vous pas, mes chers frères, l’égalité qui est entre le Père et le Fils ? Car, de peur qu’entendant ces mots : « Vous m’avez donnés », vous ne crussiez que ceux qui avaient été donnés étaient séparés du Père et n’étaient plus sous sa dépendance ; ou qu’auparavant ils n’étaient point sous la puissance du Fils et ne lui appartenaient point, il a écarté ces deux soupçons tout à la fois par ce qu’il a dit, comme s’il fût parlé de la sorte : Quand vous m’entendez dire à mon Père « Vous me les avez donnés », ne croyez pas pour cela que ceux qu’il m’a donnés soient séparés de mon Père et ne soient plus sous sa dépendance : ce qui est à moi est à lui ; et de même, quand vous m’entendez dire : « Ils étaient à vous », ne croyez pas qu’ils fussent séparés de moi ; ce qui est à lui est à moi. Donc ces mots : « Vous m’avez donnés », ne sont dits de cette manière que par condescendance, puisque tout ce qui est au Père est au Fils, et que tout ce qui est au Fils est au Père. Mais cela ne peut se dire du Fils en tant qu’homme, mais seulement du Fils d’un être plus grand, « du Fils de Dieu » : car personne n’ignore que ce qui est au moins grand appartient aussi au plus grand ; mais la réciproque n’est pas vraie. Or, il y a ici une conversion : « Ce qui est au Père est au Fils, ce qui est au Fils est au Père », et c’est cette conversion qui marque l’égalité « du Père et du Fils[1] ». Jésus-Christ,

  1. Dans ce raisonnement notre saint Docteur fait allusion à ces paroles du divin Sauveur que vient de rapporter notre évangéliste : « Tout ce qui est à moi est à vous ; et tout ce qui est à vous est à moi ». Par où Jésus-Christ établit et confirme l’égalité qui est entre le Père et le Fils. Mais, dit saint Chrysostome, ces paroles : Tout ce qui est, etc, ne peuvent point s’appliquer au Fils en tant qu’homme, mais seulement en tant que plus grand, c’est-à-dire, en tant que Dieu : car il n’y a personne qui ne sache que ce qui est au moindre, est aussi au plus grand, et qu’il n’en est pas ainsi du con traire, ou de ce qui est au plus grand. On dit du Christ-Dieu, qu’il est homme, qu’il a été crucifié, qu’il a souffert : mais on ne dira pas que le Christ-Homme soit égal au Père. Or, dans ces paroles : « Tout ce qui est à moi est à vous ; et tout ce qui est à vous est à moi, on voit une conversion des choses, une pleine communication et communauté, qui marque et désigne l’égalité du Fils et du Père. Je crois que c’est là le sentiment et la pensée de saint Chrysostome, quoiqu’il reste encore quelque difficulté dans les paroles du texte du saint Docteur, dit le Révérend Père Dom Bernard de Montfaucon.