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il doit enseigner aussi d’exemple et par ses œuvres.
Écoutons donc ce qu’il dit maintenant « Mon Père, l’Heure est venue, glorifiez votre Fils, afin que votre Fils vous glorifie ». Par ces paroles, le divin Sauveur nous montre encore qu’il ne va point à la mort malgré lui. Comment irait-il malgré lui à la mort et involontairement, lui qui la demande et prie pour cela, lui qui l’appelle la gloire, non seulement de celui qui doit être crucifié, mais encore de son Père ? Car c’est là ce qui est arrivé : non seulement le Fils a été glorifié, mais encore le Père. Avant la croix, les Juifs ne connaissaient même pas le Père : « Israël », dit le Seigneur, « ne m’a point connu » (Is. 1, 3) ; mais après la croix, tout l’univers a accouru.
Jésus-Christ nous apprend ensuite de quel genre de gloire et de quelle manière il glorifiera son Père : « Comme vous lui avez donné puissance sur tous les hommes, afin que nul de tous ceux que vous lui avez donnés ne périsse (2) ». Faire continuellement du bien, c’est là en quoi Dieu fait consister sa gloire[1]. Que veut dire ceci : « Comme vous lui avez donné puissance sur tous les hommes ? » Par là, le Sauveur montre que la prédication ne sera point renfermée dans la Judée seulement, mais qu’elle se répandra dans tout le monde ; et il jette les premiers fondements de la vocation des gentils. Comme il avait dit : « N’allez « point vers les gentils (Mt. 10,5), et comme il devait dire dans la suite : « Allez et instruisez tous les peuples (Mt. 28,19), il fait voir que c’était aussi la volonté de son Père, attendu que cela choquait et scandalisait extrêmement les Juifs et même les disciples. En effet, quand dans la suite les gentils se joignaient à eux, ils ne les souffraient pas patiemment, « et ils ne les reçurent de bon cœur et avec joie », que lorsqu’ils eurent reçu la grâce et les instructions du Saint-Esprit ; car cette union déplaisait fort aux Juifs. Après donc que le Saint-Esprit fut descendu sur les disciples avec tant d’éclat et de célébrité, Pierre, de retour à Jérusalem, eut bien de la peine à éviter les reproches des Juifs, lorsqu’il leur fit le récit de ce qui lui était arrivé et de cette nappe qu’il avait vue. (Act. 10)
Mais que signifient ces paroles : « Vous lui avez donné puissance sur tous les hommes ? » Je ferai cette question aux hérétiques : Quand est-ce que Jésus-Christ a reçu cette puissance sur tous les hommes ? Est-ce avant de les avoir formés ou après ? Car c’est après avoir été crucifié et s’être ressuscité qu’il a dit : « Toute puissance m’a été donnée. Allez et instruisez tous les peuples ». (Mt. 28,18-19) Quoi donc ? Il n’avait pas en son pouvoir ses ouvrages ? II avait fait les hommes, et, après les avoir faits, il n’avait point d’autorité sur eux ? Mais, dès le commencement, l’Écriture nous le représente comme faisant toutes choses ; on l’y voit punir les uns comme pécheurs, corriger, châtier les autres, afin qu’ils s’amendent et se convertissent. Il dit : « Je ne cacherai point à mon serviteur Abraham ce que je vais faire ». (Gen. 18,17) A d’autres, il donne des louanges et des récompenses pour avoir fait le bien. Est-ce donc qu’alors le Fils avait cette puissance, qu’ensuite il l’a perdue, et que maintenant il la reçoit de nouveau ? et quel démon oserait parler de la sorte ? Mais si, et alors, et à présent, il a toujours une égale et même puissance (car il dit : « Comme le Père ressuscite les morts et leur rend la vie, ainsi le « Fils donne ta vie à qui il lui plaît) » (Jn. 5,21) ; que signifie cette parole ? Le voici : Il devait envoyer ses disciples vers les gentils ; de peur donc qu’ils ne crussent qu’il innovait, à cause de ce qu’il avait dit auparavant : « Je « n’ai été envoyé qu’aux brebis de la maison d’Israël qui se sont perdues » (Mt. 15,24), il montre que c’est aussi la volonté de son Père. Que si le divin Sauveur parlé avec tant de modestie et d’humilité, vous ne devez pas vous en étonner, parce que c’est de cette manière qu’il instruisait alors ses disciples, et ceux aussi qui devaient venir après eux. Et encore, comme je l’ai dit, par ces expressions si basses et si humbles, il faisait sensiblement connaître qu’il ne s’abaissait si fort que pour proportionner ses discours à la portée et à la faiblesse de ses auditeurs.
2. Mais que veut dire cela : « Sur tous les hommes ? » Tous les hommes n’ont pas cru. Mais Jésus-Christ a fait pour eux tout ce qu’il a pu, afin qu’ils crussent tous. Que s’ils n’ont pas tous reçu sa parole, ce n’était point la faute du Maître, c’est la faute de ceux qui n’ont pas

  1. « Dieu fait consister sa gloire ». (Act. 14,16) Le Seigneur, dit l’Écriture, n’a point cessé de rendre toujours témoignage de ce qu’il est, en faisant da bien aux hommes, en dispensant les pluies du ciel, et les saisons favorables pour les fruits, en nous donnant la nourriture avec abondance, et remplissant nos cœurs de joie.