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ont d’être bien avec leur maîtresse leur fait tout souffrir sans peine. Si elle les injurie, si elle leur crache au visage, ils croient que ce sont des roses qu’elle leur jette. Et ne vous étonnez pas qu’ils aient ces sentiments pour elle : sa maison même ils la regardent comme la plus belle et la plus brillante de toutes les maisons, quand elle ne serait qu’une masure de terre, et quand elle tomberait en ruines. Et pourquoi parler de leur maison ? La vue seule des lieux où elles passent la soirée, les réjouit et les embrase d’amour. Permettez-moi donc de vous citer les paroles de l’apôtre : « Comme vous avez fait servir les membres de votre corps à l’impureté et à l’injustice, pour commettre l’iniquité, faites-les servir a maintenant à la justice ». Je vous le dis moi aussi : comme vous avez aimé vos maîtresses, aimez-vous de même réciproquement les uns les autres ; et quelqu’injure qu’on vous fasse, vous ne croirez pas souffrir grand-chose. Mais que dis-je ? Aimez-vous mutuellement, aimez Dieu de même.

Vous frissonnez, vous frémissez, mes frères, de m’entendre demander autant d’amour pour Dieu que vous en avez eu pour votre maîtresse, pour une femme prostituée ? Mais moi, je frémis ale voir que vous n’avez même pas pour votre Dieu un égal amour. El, si vous le voulez bien, examinons-le, quoi qu’il puisse y avoir de choquant dans une pareille matière. Une maîtresse ne promet aucun bien à ses amants, mais elle leur attire l’ignominie, la honte, le mépris, les outrages ; car c’est là ce que produit le commerce d’une femme débauchée. Ce commerce rend l’homme ridicule, le couvre de honte et d’infamie. Mais Dieu vous promet le ciel et les biens célestes, il vous fait ses enfants et les frères de son Fils unique ; pendant votre vie il vous donne une infinité de choses ; après votre mort il vous ressuscite, et vous comble de tant et de si grands biens, que vous ne sauriez même les concevoir, ni les imaginer ; il vous rend honorables et respectables. Une maîtresse engloutit tout votre bien, vous ruine et vous fait tout dépenser pour votre perte. Dieu vous commande de semer dans le ciel même, et il vous donne le centuple et la vie éternelle. Une maîtresse se sert de son amant comme d’un esclave, et le traite plus durement que ne peut faire le tyran le plus cruel, mais Dieu dit : « Je ne vous appellerai plus serviteurs, mais : mes amis ». (Jn. 15,15)

5. Avez-vous fait attention, mes frères, et à la grandeur des maux que vous attirent ces sortes de femmes, et à l’immensité des biens que produit l’amour de Dieu ? Qu’ajouterons-nous encore ? Plusieurs veillent nuit et jour pour l’amour de leur maîtresse, et se soumettent de bon cœur à son empire ; ils désertent leur maison, ils quittent leur père, leur mère, leurs amis ; ils négligent leurs biens, leurs protecteurs, abandonnent tout et laissent tout dépérir et tomber en ruine mais, pour l’amour de Dieu, ou plutôt pour nous-mêmes, pour notre propre intérêt, souvent nous ne voulons pas même donner la troisième partie de nos biens. Nous négligeons, nous méprisons le pauvre qui meurt de faim, nous le voyons nu, nous passons sans le regarder et sans daigner même lui dire un seul mot. Mais qu’un amant rencontre sur la place publique la servante de sa maîtresse, quoiqu’elle soit étrangère, ils s’arrêtent devant tout le monde pour s’entretenir longuement, comme s’ils s’en faisaient une fête et un sujet d’orgueil. La passion qu’il a pour elle fait qu’il ne compte pour rien ni la vie, ni ses supérieurs, ni le royaume éternel. Certes, ceux qui ont éprouvé cette maladie m’entendent et savent bien ce que je dis : ils le savent, que les amants se croient plus obligés à la plus impérieuse maîtresse qu’à tous ceux qui leur obéissent et les servent. L’enfer n’est-il pas justement préparé pour ces gens-là ? mille supplices ne leur sont-ils pas justement réservés ?

Réveillons-nous donc, et faisons pour Dieu autant qu’on fait pour une maîtresse ; donnons-lui seulement la moitié, le tiers, de ces biens que les amants prodiguent sans peine à une femme débauchée. Peut-être frémissez-vous encore comme je frémis aussi moi-même ? Mais je voudrais que ce ne fût pas seulement ce que je dis, mais l’action même qui vous remplit d’horreur et d’effroi. Ici maintenant votre cœur est touché, mais êtes-vous sorti de ce temple, vous effacez tout, vous chassez tout de votre mémoire. Quel fruit retirez-vous donc de mes sermons ? Si je disais : dissipez, consumez vos richesses et vos biens auprès de cette femme, nul de vous ne craindrait la pauvreté et ne s’en plaindrait. On ouvrirait ses coffres, on irait jusqu’à emprunter de l’argent, quoique souvent on y ait été