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qu’il avait entendu dire que les prophètes avaient vu Dieu. Mais, Philippe, c’est par condescendance que l’Écriture s’exprime ainsi. Aussi Jésus-Christ disait-il : « Nul n’a jamais vu Dieu » (Jn. 1,18) ; et encore « Tous ceux qui ont ouï la voix de Dieu, et ont été enseignés de lui, viennent à moi. Vous n’avez jamais entendu sa voix, ni vu son visage ». (Jn. 6,45) Et dans l’Ancien Testament il est écrit : « Nul ne verra ma face sans mourir ». (Ex. 33,20)
Que répond donc Jésus-Christ ? Il lui fait cette forte réprimande : « Il y a si longtemps « que je suis avec vous, et vous ne me connaissez pas encore, Philippe ? » (Jn. 14,9) Le Sauveur n’a point dit : Vous ne m’avez pas vu, mais « vous ne me connaissez pas encore ? » Mais est-ce vous que je demande à connaître ? c’est votre Père que je cherche à voir maintenant ; et vous me répondez : Vous ne me connaissez pas : quel rapport y a-t-il entre cette réponse et la demande que Philippe, a faite ? Il y en a un très-grand. Comme le Fils est une même chose que le Père, tout en demeurant le Fils, c’est avec raison qu’il montre et fait connaître le Père en lui-même. Et ensuite il distingue et sépare les personnes, disant : « Celui qui me voit, voit mon Père », de peur que quelqu’un ne dît que le Père et le Fils étaient le même. Si le Père était le même que le Fils, le Fils ne dirait pas : « Celui qui me voit, voit mon Père ».
Mais pourquoi Jésus-Christ n’a-t-il pas répondu à Philippe : Vous demandez une chose impossible, et qui est au-dessus de la nature humaine : il n’y a que moi seul qui aie le pouvoir de voir mon Père ? C’est parce que cet apôtre avait dit : « Il nous suffit », comme s’il l’avait vu lui-même. Mais Jésus-Christ lui fait connaître qu’il se trompe, et, qu’il n’a pas vu le Fils lui-même ; car il aurait vu le Père, s’il avait pu voir le Fils. C’est pourquoi il dit : « Celui qui me voit, voit mon Père ». Quiconque m’a vu, verra aussi mon Père ; c’est-à-dire, nul ne peut voir ni moi, ni mon Père. En effet, Philippe cherchait à voir de ses yeux et comme il croyait avoir vu le Fils, et qu’il voulait voir de même le Père, Jésus-Christ lui montre qu’il n’a vu ni l’un ni l’autre. Que si quelqu’un prétend qu’ici la vision doit s’entendre de la connaissance, je ne m’y opposerai pas : car celui qui me connaît, dit-il, connaît aussi mon Père. Mais ce n’est point là ce que dit Jésus-Christ ; il veut montrer sa consubstantialité, et dit : Celui qui connaît ma substance, connaît aussi celle de mon Père.
Qu’est-ce que cela signifie ? Ne suffit-il pas même de connaître la créature pour connaître aussi Dieu ? Non, il n’en est point de la sorte tous les hommes connaissent la créature et la voient, mais tous les hommes ne connaissent point Dieu. De plus, examinons ce que Philippe voulait connaître : Était-ce la sagesse du Père ? était-ce sa bonté ? Nullement, mais il voulait connaître ce que c’est que Dieu, il voulait connaître sa substance. C’est pour cela que Jésus-Christ répond : « Celui qui me voit ». Mais celui qui voit la créature, ne voit point la substance de Dieu. « Celui qui me voit, voit aussi mon Père », dit Jésus-Christ ; ce qu’il n’aurait point dit, s’il eût été d’une autre substance. Mais, pour me servir d’un exemple plus grossier, je dis : Celui qui n’a jamais vu d’or, ne peut point connaître sa substance en voyant l’argent ; car on ne connaît pas une nature par une autre : Voilà pourquoi Jésus-Christ a justement repris Philippe par ces paroles : « Il y a si longtemps que, je suis avec vous ». Quoi ! J’ai eu la bonté de vous enseigner une si grande et si sublime doctrine, vous avez vu les miracles que j’ai faits, avec autorité et avec une puissance absolue, vous avez vu tout ce qui est propre et n’appartient qu’à la divinité, et ce que le Père seul peut faire, vous me l’avez vu faire à moi : vous m’avez vu remettre les péchés, découvrir et relever ce qu’il y a de plus caché dans le cœur chasser la mort, ressusciter les morts, vous m’avez vu créer des yeux avec de la terre, « et vous ne me connaissez pas encore ? »
2. Si Jésus-Christ a dit : « Vous ne me connaissez, pas encore », c’est parce qu’il était revêtu, de la chair. Vous avez vu mon Père, n’en demandez pas davantage : en me voyant, vous l’avez vu. Si vous m’avez vu, ne cherchez pas curieusement à connaître mon Père ; car vous l’avez connu en moi-même. « Ne croyez-vous pas que je suis dans mon Père (10) ? » C’est-à-dire, je parais dans cette même substance. « Ce que je vous dis, je ne le vous dis pas de moi-même ». (Id) Ne voyez-vous pas, mes frères, combien est grande et excellente l’union qui est entre le Père et le Fils ? ne remarquez-vous pas la preuve d’une seule et même substance ? « Mais mon Père, qui demeuré en moi, fait lui-