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et les prévenir, de peur qu’ils ne fussent un jour troublés des calamités qui fondraient sur eux à l’improviste.
« Vous ne pouvez venir où je vais ». Par ces paroles, le Sauveur fait connaître que sa mort est une translation et un passage à un meilleur état, en un lieu où les corps périssables ne sont point reçus. Il dit aussi ces choses pour exciter leur amour et le rendre plus vif et plus ardent. Vous le savez, mes frères, lorsque nous voyons partir quelques-uns de nos plus grands amis, l’amour que nous avons pour eux s’enflamme davantage, et surtout si nous les voyons aller dans un pays où nous ne saurions aller nous-mêmes. Encore une fois, Jésus-Christ a dit ces choses, et pour effrayer les Juifs, et pour allumer l’amour de ses disciples. Le lieu où je vais est tel, dit-il, que ni eux, ni vous autres, qui êtes mes plus grands amis, vous n’y pouvez venir ; en quoi il fait aussi connaître sa dignité. « Et je vous le dis présentement », mais différemment à eux, différemment à vous ; c’est-à-dire, je ne vous le dis pas comme à eux, ni pour vous confondre avec eux.
Quand les Juifs ont-ils cherché Jésus ? Quand l’ont cherché les disciples ? Les disciples l’ont cherché lorsqu’ils fuyaient de tous côtés ; les Juifs, lorsqu’ils tombèrent dans une extrême calamité, dans des malheurs inouïs, lorsque leur ville fut prise et que la colère de Dieu les environnant de toutes parts, s’appesantit entièrement sur eux. Jésus-Christ parla donc autrefois de la sorte aux Juifs, à cause de leur incrédulité ; maintenant il parle à vous, disciples, afin de vous préparer aux malheurs qui vous sont réservés.
« Je vous fais un commandement nouveau (34) ». Comme il était vraisemblable que les disciples, entendant ces choses, seraient saisis de peur et d’effroi, ainsi que des gens près d’être absolument abandonnés, leur Maître les console, et, pour les rassurer et les fortifier, il implante dans leur cœur la racine de toutes sortes de biens, savoir, la charité ; comme s’il disait : parce que je m’en vais, vous êtes tristes et abattus ; mais si vous vous aimez les uns les autres, vous serez plus forts et plus courageux. Pourquoi donc ne le leur a-t-il pas dit en ces termes ? Parce que la manière dont il le leur a dit était beaucoup plus utile et plus avantageuse.
« C’est en cela que tous connaîtront que vous êtes mes disciples (33) ». Par ces paroles Jésus-Christ leur déclare que les ayant fondés dans la charité, et marqués de ce signe, rien ne pourra dissiper ceux qu’il s’est ainsi réunis. Au reste, le Sauveur leur a fait cette prédiction après que le traître est sorti et s’est séparé d’eux. Mais pourquoi appelle-t-il nouveau un commandement inscrit dans l’ancienne loi ? C’est parce qu’il l’a rendu nouveau par la manière dont il l’a promulgué ; qu’ayant dit : « Vous vous aimerez les uns les autres », il a ajouté : « Comme je vous ai aimés ». Je n’ai point acquitté une dette, je ne vous ai point aimés en récompense de vos mérites précédents, mais j’ai commencé moi-même le premier à vous aimer, dit-il, et à vous faire du bien ; ainsi il faut que vous, de même, vous fassiez du bien à vos amis, même sans avoir vis-à-vis d’eux aucune obligation. Et sans parler des miracles qu’il leur devait donner le pouvoir de faire, il les distingue par la charité. Pourquoi ? Parce que c’est là principalement ce qui fait, ce qui caractérise les saints ; car la charité est la base de toute vertu. C’est principalement par la charité que nous acquérons tous le salut. C’est là, dit Jésus-Christ, c’est là être mon disciple, et tous vous loueront s’ils vous voient imiter mon amour et ma charité.
Quoi donc ? Ne sont-ce pas plutôt les miracles qui font connaître les disciples de Jésus-Christ ? Nullement. « Car plusieurs diront Seigneur, n’avons-nous pas chassé les démons en votre nom ? » (Mt. 7,22) Et encore : Les disciples étant dans la joie de ce que les démons obéissaient à leur commandement, Jésus leur dit : « Ne vous réjouissez pas de ce que les démons vous sont soumis, mais réjouissez-vous de ce que vos noms sont écrits dans le ciel ». (Lc. 10,20) Si les miracles ont converti le monde, c’est que la charité préexistait ; sans la charité il n’y aurait pas eu de miracles. C’est la charité, c’est l’union de tous les cœurs qui a fait la vertu des disciples. S’il y avait eu de la division parmi les disciples, tout aurait été perdu. Et le Sauveur n’a point dit cela seulement pour ses disciples, mais encore pour tous ceux qui croiraient en lui dans la suite, car aujourd’hui même rien ne scandalise tant les gentils que de voir qu’il n’y a point de charité parmi nous ; mais, direz-vous, ils nous reprochent aussi qu’il ne se fait plus de miracles. Il est vrai, mais pas si fortement.