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vous n’avez qu’un seul Maître » (Mt. 22,8) ; il dit de même : « N’appelez aussi personne sur la terre votre père ». Au reste, cette parole : un seul maître et un seul père, n’est pas seulement dite du Père, mais encore du Fils ; si Jésus-Christ ne parlait pas de soi, comment aurait-il dit : « Afin que vous soyez enfants de la lumière ? » (Jn. 12,36) Et encore, s’il appelait Maître le Père seul, comment parlerait-il en ces termes : « Car je le suis ? » Comment dirait-il : « Le Christ[1] est votre seul docteur, votre seul Maître ? »
« Si donc », dit-il, « je vous ai lavé les pieds, moi qui suis votre Seigneur et votre Maître, vous devez aussi vous laver les pieds les uns aux autres. Je vous ai donné l’exemple, afin que, pensant à ce que je vous ai fait, vous fassiez aussi de même (14) ». Mais ce n’est point là une même chose, il est le Maître et le Seigneur, et vous, vous êtes tous des serviteurs les uns des autres. Que veut donc dire ce mot : « De même ? » Avec le même soin et la même affection. Voilà pourquoi le Sauveur nous donne de grands exemples, afin que nous fassions du moins les petites choses. Les exemples que donnent les maîtres aux enfants qu’ils instruisent sont de même, écrits dans les plus beaux caractères, afin qu’ils tâchent de les imiter, quoiqu’imparfaitement.
Où sont-ils maintenant ceux qui ne font aucun cas de leurs frères en servitude ? Où sont-ils ceux qui veulent être honorés ? Jésus-Christ a lavé les pieds d’un traître, d’un sacrilège et d’un larron, lors même qu’il allait le trahir ; il le fait asseoir et manger à sa table, lorsqu’il n’y avait nulle espérance d’amendement et de repentir, et vous, vous avez de hauts sentiments de vous-mêmes et vous vous enflez d’orgueil ? Lavons-nous les pieds les uns aux autres, dit le Sauveur, lavons même ceux de nos serviteurs. Et qu’y a-t-il de si grand à laver même les pieds de nos serviteurs ? Parmi nous toute la différence entre le libre et l’esclave n’est que de nom, mais à l’égard de Jésus-Christ, elle est réelle et véritable. Il est le Seigneur par nature, et nous, par nature, nous sommes des serviteurs et des esclaves, et cependant celui qui est le vrai Seigneur n’a pas dédaigné de faire une action si basse et si humiliante. Mais aujourd’hui il faut se tenir pour content si nous traitons des hommes libres comme des serviteurs et des esclaves achetés au marché.
Que répondrons-nous un jour, nous qui, ayant devant les yeux de si grands exemples de modération et de patience, ne les imitons pas, nous qui en sommes totalement éloignés, nous qui sommes si hauts et si enflés d’orgueil, qui ne rendons pas aux autres ce que nous leur devons ? Dieu nous a faits débiteurs les uns des autres, il a commencé par payer le premier nos grandes dettes, et il ne nous a laissé que la charge d’acquitter les plus petites. En effet, quand il nous a lavé les pieds, il était notre Seigneur ; mais nous, si nous faisons de même, c’est à nos compagnons que nous le faisons. Jésus-Christ nous le fait clairement entendre en disant : « Si donc je vous ai lavé les pieds ; moi qui suis votre Seigneur et votre Maître ». Et encore : « Vous fassiez aussi de même ». On devait s’attendre à ce que le Seigneur dît : À combien plus forte raison devez-vous en faire de même, vous qui n’êtes que des serviteurs ; mais il laisse le soin de tirer la conclusion à la conscience de ceux qui l’écoutent. Mais pourquoi le Sauveur lava-t-il alors les pieds de ses disciples ? Parce qu’ils devaient recevoir des honneurs, les uns plus grands, les autres moins considérables.
2. Afin donc que les disciples ne s’élèvent pas au-dessus des autres, et qu’ils ne disent pas comme auparavant : « Qui est le plus grand ? » (Mt. 18,1), et aussi qu’ils ne conçoivent pas d’indignation les uns contre les autres (Mt. 20,24), Jésus-Christ réprime toutes ces pensées d’orgueil, en disant : Quelque grand que vous soyez, vous ne devez pas vous élever au-dessus de votre frère. Le Sauveur n’a point dit, ce qui était et plus grand et plus fort : Si j’ai lavé les pieds d’un traître, est-ce quelque chose de si admirable que vous laviez les pieds de vos compagnons ? Mais, comme il venait de laver réellement les pieds d’un traître, il laisse cela au jugement de ceux qui en avaient été les témoins. C’est aussi pour cette raison qu’il a dit : « Celui qui fera et enseignera, sera grand dans le royaume des cieux ». (Mt. 5,19) Car c’est véritablement enseigner, que d’enseigner par les œuvres. En effet, quel faste, ce que venait de faire le Seigneur, n’aurait-il pas abattu, quelle ostentation cet acte n’aurait-il pas étouffée ?
Celui qui est assis sur les chérubins lave les pieds d’un traître ; et vous, d homme, vous

  1. Le Christ : on lit ce mot dans le Nouveau Testament grec, dans mon Auteur et dans quelques manuscrits.