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laquelle le divin Sauveur s’est servi de ces expressions basses et populaires ; à savoir, pour s’accommoder à la faiblesse de ses auditeurs ?
Mais saint Paul dit que ses disciples mêmes comprennent « quelle est la volonté de Dieu », et reconnaissent « ce qui est bon, ce qui est agréable à ses yeux, et ce qui est parfait » (Rom. 12,2) ; et le Fils de Dieu ne l’aura pas connu, jusqu’à ce qu’il ait reçu du Père le commandement de ce qu’il devait dire ? Et comment cela se peut-il ? Ne voyez-vous pas que Jésus-Christ ne dit des choses si basses que pour attirer les Juifs, et pour imposer silence à ceux qui devaient venir après eux ? Le Sauveur parle donc ainsi d’une manière humaine, pour mettre, par cette façon même de parler, ceux qui l’entendent dans la nécessité d’en rejeter le sens littéral, sachant bien que ce n’est point sa nature qui le fait parler ainsi, mais uniquement la nécessité de se proportionner à la portée et à la faiblesse de ses auditeurs : « Je sais que son commandement est la vie éternelle ; ce que je dis donc, je le dis selon que mon Père me l’a ordonné (50) ».
Faites-vous attention, mon cher auditeur, à la bassesse et à la grossièreté de ces paroles ; car celui qui reçoit un commandement n’est point maître de soi-même, et cependant il dit : « Comme le Père ressuscite les morts et leur c rend la vie, ainsi le Fils donne la vie à qui il lui plaît ». (Jn. 5,21) Est-ce donc qu’il a le pouvoir de ressusciter ceux qu’il lui plaît, et qu’il n’a pas le pouvoir de dire ce qu’il veut ?
Au reste ; voici ce que Jésus-Christ veut dire par ces paroles : Il n’est pas naturel que le Père dise une chose et moi une autre : « Et je sais que son commandement est la vie éternelle ». Il parle à ceux qui l’appelaient un séducteur, et qui disaient qu’il était venu pour les perdre. Mais quand il dit : « Je ne juge point », il fait voir qu’ils sont eux-mêmes la cause de leur perte. Et il leur déclare presque qu’il les va quitter, et qu’il ne demeurera plus avec eux. Je ne vous ai rien dit comme de moi-même, mais je vous ai toujours parlé comme de la part de mon Père ; s’il descend à des choses basses et grossières, et s’il termine par là son discours, c’est pour arriver à dire : Jusqu’à la fin je vous ai enseigné cette parole ; quelle parole ? « Ce que je vous dis, je vous le dis selon que mon Père me l’a ordonné ». Si j’étais contraire à Dieu, certainement je vous aurais parlé un autre langage, je vous aurais dit qu’il n’y a rien dans mes paroles qui plaise à Dieu, pour m’en rapporter la gloire ; mais je rapporte si bien et si véritablement toutes choses à mon Père, que je ne m’attribue rien en propre. Pourquoi donc ne me croyez-vous pas, moi qui vous dis que j’ai reçu de mon Père ce commandement, moi qui m’attache avec tant de force à détruire la fausse opinion que vous avez de notre antagonisme ? Et comme il est impossible que ceux qui ont reçu un ordre fassent ou disent autre chose que ce que leur a prescrit celui qui les a envoyés, pour exécuter ponctuellement le commandement qu’il leur a fait ; moi de même je ne puis rien faire ou dire autre chose que ce que veut mon Père. « Car ce que je fais, il le fait aussi parce qu’il est avec moi, et mon Père ne m’a point laissé seul ». (Jn. 8,29)
Ne voyez-vous pas que le Fils déclare sans cesse qu’il est immédiatement uni à son Père ? Quand il dit : « Je ne suis pas venu de moi-même », il ne détruit point sa puissance, mais il montre seulement qu’il n’est pas contraire à son Père. Si les hommes sont maîtres de soi, à plus forte raison le Fils unique l’est de lui-même. Ce que dit saint Paul prouve manifestement que cela est véritable, écoutez-le : « Il s’est anéanti lui-même », et : « Il s’est livré pour nous ». (Phil. 2,7) Mais enfin, comme je l’ai dit, la vaine gloire est une passion forte et dangereuse, sûrement elle l’est ; car c’est elle qui a été cause que les uns n’ont point cru, et que les autres ont mal cru, et ont trouvé un prétexte d’impiété dans ce que le Sauveur avait dit à cause d’eux par pure bonté.
3. Fuyons donc la vaine gloire : c’est un monstre qui prend toutes sortes de formes et de figures, qui répand son poison partout, sur les richesses, sur les délices, sur la beauté du corps. C’est elle qui nous fait franchir les bornes du nécessaire. De là ce luxe dans les habits, cette multitude de valets ; de là ce grand mépris du nécessaire, dans nos maisons, dans nos meubles, dans nos tables ; partout le faste règne. Voulez-vous jouir de la gloire ? Faites l’aumône ; alors les anges vous applaudiront, alors vous serez agréables à Dieu. Mais maintenant nous n’avons pour admirateurs que les ouvriers qui travaillent en or, en soie, en laine. Et vous, femmes, ce ne sont point des couronnes que vous emportez, mais des outrages et des malédictions. Cet argent que vous prodiguez à orner votre corps,