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car ils étaient encore trop faibles et trop grossiers. Mais, lorsqu’il adressait la parole à ses disciples, il disait : « Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi ». (Jn. 14,1) Il instruisait autrement ceux-là, parce qu’ils étaient trop faibles et trop grossiers pour entendre ces paroles. Jésus-Christ fait donc voir que ceux qui ne croient point en lui ne peuvent point croire au Père. Et afin que vous ne pensiez pas qu’il dit cela comme s’il parlait d’un homme, il ajoute : « Celui qui me voit, voit celui qui m’a envoyé (45) ».
Quoi donc ? est-ce que Dieu a un corps ? Nullement. Jésus-Christ parle ici de la vision spirituelle, et par là il manifeste la consubstantialité. Que veut dire ceci : « Celui qui croit en moi ? » C’est de même que si quelqu’un disait : Celui qui prend de l’eau d’un fleuve, ne l’ôte pas du fleuve, mais de la source. Disons mieux : cette comparaison est trop faible pour expliquer une chose si grande et si relevée. « Je suis venu dans le monde, moi qui suis la lumière(46) ». Comme le Père est appelé de ce nom de Père, et dans l’ancienne loi et dans la nouvelle, et qu’il se le donne lui-même, saint Paul ayant appris de là à connaître le Fils, l’appelle la splendeur. Jésus-Christ, par ces paroles, fait certainement voir qu’il est dans une grande union avec le Père, ou plutôt qu’il n’y a aucune différence entre le Père et lui ; car il dit que la foi qu’on a en lui, on ne l’a point en lui, mais qu’elle va et passe jusqu’à son Père. Au reste, il s’est appelé la lumière, parce qu’il délivre de l’erreur, et qu’il dissipe les ténèbres spirituelles. « Que si quelqu’un ne m’écoute pas, je ne le « juge point ; car je ne suis pas venu pour juger le monde, mais pour sauver le monde ». Jésus-Christ a dit : « Je ne suis pas venu pour juger le monde (47) », afin qu’ils ne crussent pas que c’était par faiblesse et par impuissance qu’il laissait impunis ceux qui le méprisaient.
2. Ensuite, de peur qu’ayant appris que celui qui croit sera sauvé, et que celui qui ne croit pas n’est point puni[1], ils n’en devinssent plus nonchalants et plus lâches, voyez combien est redoutable le tribunal dont le Seigneur les menace, en ajoutant : « Celui qui e me méprise et qui ne reçoit point mes paroles d’un juge (48) ». Si le Père ne juge personne, et si vous n’êtes pas venu pour juger le monde, qui le jugera ? « La parole que j’ai annoncée sera elle-même le juge qui le jugera ». Comme les Juifs disaient : Il n’est point envoyé de Dieu, Jésus leur parle de la sorte, pour leur faire entendre qu’au dernier jour ils ne tiendront pas ce même langage. Les paroles mêmes, leur dit-il, que je vous annonce maintenant, tiendront lieu d’accusateurs, elles vous convaincront et vous ôteront tout moyen d’excuse et de justification.
« La parole que je vous ai annoncée » quelle parole ? « Que je ne suis pas venu de moi-même, que mon Père qui m’a envoyé est celui qui m’a prescrit par son commandement ce que je dois dire, et comment je dois parler : (49) », et tontes les autres choses. Jésus-Christ ne leur a donc parlé en ces termes, qu’afin qu’ils n’eussent aucun sujet d’excuse. Si cela n’était pas ainsi, qu’aurait-il de plus qu’Isaïe ? Car Isaïe dit la même chose : « Le Seigneur m’a donné une langue bien instruite, pour savoir quand il faut parler[2] ». (50,4 LXX) Qu’aurait-il de plus que Jérémie, qui n’était inspiré et ne recevait ce qu’il devait dire qu’au moment que Dieu l’envoyait ? Qu’aurait-il de plus qu’Ézéchiel ? car ce prophète n’annonça la parole de Dieu aux enfants d’Israël qu’après qu’il eut mangé le livre. (Ez. 3,1) Et encore, si cela n’était pas ainsi, il se trouverait que les Juifs, qui devaient écouter ses paroles, auraient été eux-mêmes la cause de la connaissance et de la science qu’avait Jésus-Christ. Si le Père ne lui a prescrit par son commandement ce qu’il devait dire, qu’en l’envoyant, vous direz aussitôt que Jésus-Christ ne savait rien, avant que le Père l’envoyât. Et quoi de plus impie qu’un pareil sentiment, que de prendre ces paroles à la lettre, au sens que leur donnent les hérétiques, et de ne pas reconnaître la raison pour

  1. « N’est point puni » Je lis ici avec Savil : οὐ χολαζεται non puniri, n’est point puni, et je m’écarte un peu de mon texte, parce qu’en lisant sans la négation οὐ, il n’y a ni suite ni sens dans ce que dit ici saint Chrysostome : 1° Il n’y a point de suite, parce que χολαζεται, « est puni », ne peut se lier avec ces paroles qui précèdent immédiatement : Je ne suis pas venu pour juger le monde ». – 2° Il n’y a ni sens ni raison, parce que si ceux qui ne croient pas sont punis, ce n’est pas sûrement là de quoi devenir plus paresseux et plus lâches et encore la menace d’un jugement redoutable, et le verset suivant deviennent fort inutiles. Mais en admettant la négation, le sens est clair et naturel. Il faut donc la recevoir comme en conviendront facilement ceux qui voudront bien jeter les yeux sur cet endroit de mon texte, etc.
  2. C’est ainsi que lisent les Septante, et par conséquent aussi saint Chrysostome. La Vulgate dit : « Le Seigneur m’a donné une langue savante, afin que je puisse soutenir par la parole celui qui est abattu », etc.