Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 8, 1865.djvu/438

Cette page n’a pas encore été corrigée

arriver, ils en étaient Tristes et extrêmement affligés (Mt. 17,32) ; ce qui venait de l’ignorance où ils étaient de sa résurrection. Au reste, c’était avec raison que leur Maître ne leur révélait pas encore ces sublimes vérités, parce qu’elles étaient au-dessus de leur portée et de leur intelligence. Mais l’histoire de cette ânesse, pourquoi leur était-elle cachée ? Parce qu’elle renfermait aussi un grand mystère.
2. Pour vous, mon cher auditeur, admirez cette philosophie, cet esprit de force et de sagesse, que fait paraître ici l’évangéliste, en ne rougissant point d’avouer l’ignorance des disciples. Véritablement ils savaient que toutes ces choses étaient écrites ; mais qu’elles étaient écrites de Jésus, ils l’ignoraient. Il n’y a nul doute que s’ils avaient su qu’étant roi, il devait souffrir tant d’outrages, être trahi et livré à ses ennemis, ils en auraient été choqués et scandalisés : mais alors même ils n’auraient pas aisément compris de quel royaume Jésus était roi. Un évangéliste confesse que les disciples avaient cru que Jésus parlait du royaume de ce monde. (Mt. 20,21)
« Or, le peuple rendait témoignage que Jésus avait ressuscité Lazare (17) ». Un si grand nombre de Juifs ne seraient pas aussi promptement accourus au-devant de lui, s’il n’avait cru au miracle. « De sorte que les pharisiens leur dirent : voyez-vous que vous ne gagnez rien ? Voilà tout le monde qui court à lui (19) ». Il me semble que ce sont ceux qui avaient l’esprit sain et de bons sentiments, et qui n’osaient pas se déclarer publiquement, qui dirent ces paroles, et que, par ce qui se passait, ils réfutaient ceux qui étaient contraires à Jésus, leur faisant voir que c’était en vain et inutilement qu’ils tentaient et s’efforçaient de le décrier. Au reste, ils appellent ici monde cette multitude du peuple qui suivait Jésus. C’est la coutume de l’Écriture d’appeler monde et les créatures, et ceux qui vivent dans l’iniquité ; elle l’entend dans le premier sens lorsqu’elle dit : « Qui fait marcher le monde dans un si grand ordre », (Is. 40,26) Et dans le second, quand elle dit : « Le monde ne vous hait point, mais pour moi il me hait ». (Jn. 6,7) Il faut savoir exactement ces choses, de peur que les hérétiques, abusant de la signification des noms, ne s’en servent pour soutenir leurs erreurs.
« Or il y eut quelques gentils de ceux qui étaient venus pour adorer au jour de la fête (20) », Ces païens étaient venus à la fête pour se faire prosélytes, et étonnés de la grande réputation de Jésus, disaient : « Nous voudrions bien voir Jésus (21) ». Philippe, alors, s’approche d’André, qui marchait devant, et lui apprend ce que demandaient ces gentils ; mais il le fait avec beaucoup de circonspection et ne veut rien prendre sur lui, parce qu’il avait entendu dire à son Maître : « N’allez point vers les gentils ». (Mt. 20,5) Et c’est pour cela que, la chose une fois communiquée à André, André et Philippe en informèrent ensemble Jésus.
Mais que leur répondit-il ? « L’heure est venue que le Fils de l’homme doit être glorifié (23). Si le grain de froment ne meurt après qu’on l’a jeté en terre, il demeure seul (24) ». Que signifie cela : « L’heure est venue ? » Jésus avait dit à ses disciples : « N’allez point vers les gentils », et il leur avait fait cette défense pour ôter aux Juifs tout sujet d’obstination. Mais, comme ils demeuraient et dans leur obstination et dans leur incrédulité, et qu’au contraire les gentils voulaient venir et s’approcher de lui, le temps, dit Jésus, est enfin venu qu’il faut que je me livre à la mort, puisque toutes choses sont accomplies. Si nous nous arrêtions à attendre toujours ces opiniâtres, et si nous refusions de recevoir ceux-ci, qui demandent de venir à nous, nous ferions une action indigne de notre bonté et de notre providence.
Comme donc Jésus, après sa passion, devait envoyer ses disciples vers les Gentils, les voyant déjà s’approcher eux-mêmes et venir à lui, il dit : Le temps est venu pour moi d’aller à la croix et de me livrer à la mort. Il n’avait pas permis auparavant à ses disciples d’aller vers les gentils, parce qu’il voulait que sa croix leur servît de témoignage. Avant que les Juifs l’eussent repoussé, avant qu’ils l’eussent attaché à la croix, il n’a point dit : « Allez et instruisez tous les peuples », mais : « N’allez point vers les gentils ». (Mt. 28,19) Et : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis de la maison d’Israël qui se sont perdues » (Id. 15,24) ; et : « Il n’est pas juste de prendre le pain des enfants et de le donner aux chiens ». (Id. 26) Les Juifs haïssant donc Jésus, et le haïssant