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délibérer sur les moyens de faire mourir ce Jésus qui vient de ressusciter un mort. O folie ! ils croient pouvoir ôter la vie au vainqueur de la mort, et ils disent entre eux : « Que faisons-nous ? Cet homme fait plusieurs miracles (47) ». Jésus, celui dont la divinité leur est prouvée par tant de preuves et de témoignages, ils l’appellent encore un homme ! « Que faisons-nous ? » Croire en lui, l’honorer, l’adorer et ne plus le regarder comme un homme, voilà ce que vous avez à faire. « Si nous le laissons faire, les Romains viendront et ruineront notre ville et notre maison ». Quel est leur but et leur dessein ? Ils veulent émouvoir le peuple, ils se prétendent en danger d’être soupçonnés de complicité avec un usurpateur. Si les Romains apprennent que le peuple suit cet homme, ils nous soupçonneront de rébellion, ils viendront, ils ruineront notre ville.
Pourquoi, je vous prie ? La doctrine que Jésus enseigne tend-elle au soulèvement ? N’a-t-il pas ordonné de payer le tribut à César ? (Mt. 22,21) Quand on a voulu le faire roi, ne s’est-il pas enfui ? (Jn. 6,15) Ne vit-il pas d’une manière simple, sans faste, sans maison, sans aucun étalage ? Sûrement, ce n’est point la crainte qui les faisait parler de la sorte, c’est l’envie, c’est la jalousie. Mais il leur arriva ce à quoi ils ne s’attendaient point ; les Romains ruinèrent et leur ville et leur nation, parce qu’ils avaient fait mourir Jésus-Christ ; aussi bien les œuvres de Jésus-Christ étaient-elles hors de tout soupçon. En effet, celui qui guérit les malades, qui enseigne la manière de bien vivre, et qui ordonne d’être soumis et obéissant aux puissances, n’est point un homme qui aspire à la tyrannie ; au contraire, c’est un homme qui en détourne. Mais notre conjecture n’est point vaine, disent-ils : elle est fondée sur ce qui s’est passé auparavant ; mais ceux a qui vous faites allusion avaient semé parmi le peuple cet esprit de révolte : Jésus en était bien éloigné.
Ne voyez-vous pas, mes frères, que tous ces discours étaient faux et artificieux ? Car en quoi Jésus-Christ pouvait-il y donner lieu ? Marchait-il accompagné de gardes ? Avait-il des chariots à sa suite ? Ne fréquentait-il pas les lieux solitaires et retirés ? Mais les Juifs, pour ne paraître point parler de la sorte par une malignité de cœur, répandent mille bruits fâcheux : toute la ville est exposée à un grand péril, on dresse des embûches à la république tout est à craindre, Non, ce n’est point là ce qui doit vous jeter dans la servitude : d’autres causes bien différentes vous l’attireront, cette captivité que vous craignez, de même qu’elles vous ont autrefois attiré celle que vous avez soufferte en Babylone, et sous Antiochus. Ce ne sont pas les gens de bien qui se sont trouvés parmi vous, ni ceux qui ont honoré et servi Dieu, qui vous ont livrés à vos ennemis, mais ce sont les méchants ; mais c’est la colère de Dieu que vous avez irrité contre vous ; mais c’est votre envie qui est la source de toutes vos calamités ; l’envie, cette ténébreuse passion, qui, ayant une fois aveuglé l’esprit, ne lui permet pas de voir le bien, ni de se porter à rien d’honnête. Jésus-Christ ne vous a-t-il pas appris à être doux ? (Mt. 11,29) Ne vous a-t-il pas dit que si quelqu’un vous a frappé sur la joue droite, vous lui présentiez encore l’autre ? (Id. 5,39) Ne vous a-t-il pas enseigné à supporter les injures et à montrer plus de fermeté et de courage à souffrir le mal que les autres en ont à le faire ? Est-ce là la doctrine d’un homme qui aspire à la tyrannie ? Ne doit-on pas plutôt dire que ce sont là et les œuvres et la doctrine de celui qui la fuit, de celui qui la chasse et l’éloigne ?
4. Mais, comme je l’ai dit, c’est une chose bien funeste et bien insidieuse que la jalousie. C’est elle qui a couvert la terre d’une infinité de maux : c’est cette malheureuse passion qui remplit les tribunaux de criminels. L’amour de la gloire et des richesses, l’ambition, l’orgueil et la superbe, sortent de cette source empestée. C’est l’envie qui infecte les chemins de scélérats et de voleurs ; et la mer de pirates ; c’est elle qui remplit le monde de meurtres et d’assassinats. C’est elle qui déchire le genre humain. Elle est la mère de tous les malheurs que vous voyez. Ce poison s’est répandu jusque dans l’Église, et depuis longtemps il lui cause des maux innombrables. Cette maladie a tout renversé, elle a corrompu la justice. Car « les présents », dit l’Écriture, « aveuglent les yeux des sages[1] : de même qu’un mors dans la bouche, ils empêcheront les corrections ». (Sir. 20,31, LXX) Des personnes libres, l’envie fait des esclaves. Tous

  1. Ne recevez point de présents, dit Moïse, parce qu’ils aveuglent les yeux des plus clairvoyants, et qu’ils renversent les paroles cite justes mêmes.